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révolution devait régénérer, était replongé dans la nuit des âges barbares. On voit clairement ici d’où venait la terreur et où elle devait retourner. Ses origines et ses affinités sont mises à nu ; c’est le mauvais génie du moyen âge qui l’avait jetée dans le monde, c’est le moyen âge qui la reprend par la main des fanatiques du midi. Terreur rouge, terreur blanche, qu’on ne cherche pas à les opposer l’une à l’autre ; elles se tiennent enlacées par trop de liens, ces sœurs infernales, rien ne les séparera plus. L’histoire les jette dans la même fosse. Que les églises jacobines aillent encore, si bon leur semble, célébrer leurs superstitions sur ce hideux monument.

Comment se fait-il que M. Edgar Quinet, après avoir accompli avec tant de logique et de force cette analyse souveraine de la terreur, se montre si hostile ou si indifférent aux efforts que fit la société française pour se relever du fond de l’abîme ? A côté des scélérats et des lâches, n’y avait-il donc pas de nobles âmes ? La dernière année de la convention n’a-t-elle pas vu de grandes choses ? Au milieu même de l’anarchie du directoire, ne sont-ce pas des symptômes rassurans que le réveil de l’esprit libéral et le réveil de la conscience religieuse ? Ici les républicains austères, un Daunou, un Lakanal, un Destutt de Tracy ; là les représentans du spiritualisme et de la pensée chrétienne, un Portalis, un Camille Jordan, un Royer-Collard, ne sont-ce pas de nobles images qui nous consolent de la double terreur ? La vie morale de la nation était comme pétrifiée par la stupeur sous le couteau des hommes de sang ; la voilà qui reparaît dans la libre variété de ses inspirations. D’où vient encore une fois que M. Edgar Quinet est insensible à ces promesses d’avenir ? C’est que son livre est une critique de la terreur plutôt qu’une critique de la révolution tout entière ; c’est que sa juste haine du despotisme jacobin, lui montrant les conséquences innombrables et toujours persistantes d’un système pernicieux, l’empêche de voir avec la même netteté les signes du retour à la lumière ; c’est aussi qu’il en coûte à l’ardent serviteur de la révolution de se réconcilier comme il le doit avec la tradition chrétienne purifiée par 89. Esprit ailé, âme de rapide allure et toujours entraînée vers l’avenir, le mot de réaction lui est odieux. Il est de ceux qui se disent avec un autre chantre des révolutions :

Regardez en avant et non pas en arrière :
Le courant roule à Jehova !

Convient-il cependant qu’un tel penseur se laisse effrayer par les mots ? Sa critique de la réaction me paraît aussi incomplète que sa critique de la terreur est invincible. Il y a des réactions funestes et des réactions fécondes. C’est folie assurément que de prétendre