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se propagent comme des disques tournans accompagnés de vent, de pluie ou de neige, qui parcourent l’Europe avec une rapidité surprenante. Ainsi la tempête du 29 mars 1864 était le 27 dans le golfe de Gascogne, le 28 en Italie, le 29 à Francfort-sur-le-Mein, et le 30 à Varsovie.

Les orages électriques accompagnés de foudre, de tonnerre, de grêle, n’ont pas la même origine et ne suivent pas la même marche que les tempêtes ou coups de vents océaniens. Grâce à l’activité de M. Leverrier, à l’appui du ministère de l’instruction publique et au concours des conseils-généraux, des commissions météorologiques pour l’observation des orages ont été établies dans les quatre-vingt-neuf départemens de la France. Des instituteurs, des médecins, des pharmaciens, des propriétaires, des amis désintéressés de la météorologie notent un certain nombre de particularités qui permettent de suivre l’orage des rives de la Méditerranée à celles de l’Océan. Déjà dans le siècle dernier, Tessier avait décrit un orage qui traversa la France du sud au nord dans l’espace d’une demi-journée, car il grêlait à La Rochelle à 5 heures du matin et à Utrecht à 2 heures et demie. Les observations faites depuis 1864 semblent montrer que les orages électriques suivent en général la même marche. Ainsi celui du 9 mai 1865 commence à 8 heures et demie du matin sur les bords de la Gironde, marche vers l’est, puis se bifurque dans la Haute-Vienne. La branche septentrionale longe le plateau central, passe à 3 heures de l’après-midi sur Châteauroux, atteint Paris à 8 heures du soir et Lille à 1 heure du matin. L’autre branche, infiniment plus courte, descend vers le sud-est, traverse l’Aveyron et vient expirer à 7 heures du soir sur le contre-fort occidental des Cévennes. Un autre orage du 16 juillet 1865, comprenant d’abord à 4 heures du soir toute la zone qui s’étend de la presqu’île du Cotentin jusqu’au Puy-de-Dôme, s’avança directement en se rétrécissant vers le nord jusqu’aux frontières de la Belgique, qu’il atteignit vers 2 heures du matin. Tout le monde comprend quel intérêt immense s’attache à ces études. Si elles sont continuées avec persévérance, nous saurons quelle est la loi de propagation de ces orages, et nous pourrons prévoir les dégâts pour arriver ensuite aux moyens de les prévenir, car la science ne désespère d’aucun problème ; elle est en train de changer la face du monde, mais son œuvre avance lentement, faute de secours et d’encouragemens. Des esprits prétendus positifs refusent tout appui aux recherches purement théoriques et sans application Immédiate. Le public et le gouvernement oublient que le télégraphe électrique, qui, en outre de ses services ordinaires, permet de prévoir les changemens de temps, les inondations, les tempêtes, etc., n’est que la conséquence de la découverte d’Œrsted et des travaux d’Ampère, sans lesquels il n’existerait pas. Ainsi on encourage l’application par des récompenses exceptionnelles, sans se préoccuper si la science est assez avancée pour que cette application soit possible. Encouragez la recherche désintéressée, et l’application, toujours rémunératrice, naîtra d’elle-même de la lente incubation