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authentiques. Là, aussi il y a des apocryphes, c’est-à-dire des portraits qui altèrent la ressemblance de propos délibéré, sous l’influence d’idées ou de dispositions préconçues. Si la révolution, dans ses plus mauvais jours, a traduit de la sorte l’insulte grossière, d’autres temps ont vu le même procédé employé par la flatterie posthume.

Parmi les portraits contemporains et de la période qui précède immédiatement la révolution, il est à craindre que ceux de Mme Lebrun n’aient servi de point de départ, adoucissant eux-mêmes certains traits caractéristiques et inclinant vers le placide et le bourgeois, à la physionomie de convention que l’opinion publique a depuis adoptée. On n’y retrouve pas assez ce profil si nettement accusé par l’ensemble des monumens : le front bombé, les yeux saillans, le nez presque recourbé et non pas simplement aquilin, la lèvre supérieure très fine, mais l’inférieure plus épaisse et avançante, avec tout le bas de la figure un peu fort et tombant. Ces traits, qui ne répondent pas au type vulgairement admis, sont pourtant ceux que trahissent les témoignages les plus authentiques. On est en présence du pur type de l’ancienne maison impériale d’Autriche : il n’y a pas à s’y tromper. Peut-être, il est vrai, l’accent de cette physionomie est-il modéré et contenu dans le moment de plénitude où, se trouvant en possession de ce qu’elle eut jamais de plus entier bonheur, Marie-Antoinette fut à distance égale entre les influences dues à son éducation première et la sensible réaction contre la lutte opiniâtre. Ses traits permanens y sont en tous cas faciles à déterminer. En aucun temps une certaine majesté n’y manque ; c’est ce qui frappe tout d’abord. La grâce est toute voisine : il y faut pourtant un sourire, une parole aimable pour déchirer le voile, car, au simple repos, l’expression altière, et peut-être, comme sur le portrait de Roslin, quelque sécheresse ou même quelque dureté apparaîtrait facilement. Une telle physionomie a pu se concilier avec un grand charme de sensibilité affectueuse, de bonté nonchalante et par là familière ; mais elle est aussi très-capable de dédain, d’impatient dépit, d’obstination visible sous l’empire de sentimens qui dominent. Ce qui surnage après tout de dignité explique à l’avance la résignation finale.

Ces diverses impressions, les textes les confirment, les textes authentiques s’entend, car les apocryphes donnent, comme il est juste, des couleurs absolument contraires. On en peut juger, pour la période qui précède immédiatement la révolution, par deux exemples sur lesquels il importe de rétablir la vérité historique et morale. Je prendrai pour premier exemple le procès du collier. C’est là pour nous un grave épisode, sinistre avant-coureur des