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LE
SALON DE 1866

Si quelques œuvres originales et intéressantes ne se distinguaient dans la masse des tableaux et des statues exposés au Palais de l’Industrie, nous ne devrions guère ménager au salon de 1866 l’expression de notre découragement plus qu’aux expositions précédentes, car il nous semble que la moyenne a encore baissé, comme si elle obéissait aux lois implacables d’une dépression lente, mais continue. L’ardent désir que nous éprouvons de voir l’école française reprendre son rang nous force à dire qu’il y a lieu d’être inquiet. L’art actuel paraît faire fausse route et devoir s’égarer promptement, s’il ne revient, par un vif et sérieux effort, à des manifestations élevées conçues en dehors des goûts frelatés du jour. Chacun sait son métier, cela n’est pas douteux, mais c’est tout : l’invention, la recherché, l’aspiration vers la grandeur, sont de plus en plus rares. Seule aujourd’hui, l’habileté de la main paraît important. Or, si le métier suffit à consacrer les artistes, il doit être indigent à ces derniers de peindre des persiennes ou des tableaux. On voit de tous côtés des ouvriers habiles ; quant aux artistes qui ont souci de l’idéal et qui cherchent cet au-delà, vers lequel les âmes intelligentes doivent toujours tendre sous peine de déchoir, deux lignes suffiraient pour énumérer leurs noms.

Lorsqu’on s’arrête dans ces vastes salles, on est toujours tenté de se dire : Je connais cela. En effet, rien n’y est nouveau, et presque tout y semble une réminiscence. Voilà les mêmes Bretons, les mêmes Alsaciennes, les mêmes allégories mal peintes et imparfaitement dessinées ; voilà les mêmes femmes nues, assises, debout, couchées, provocantes : baigneuses et Vénus, premier secret et dernière illusion, rêves et printemps ; voilà les mêmes batailles, le même