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une guerre civile de quatre ans au métier des armes, et ils ont fait preuve de grandes qualités militaires. Les citoyens de l’Union savent braver la mort aussi bien que la donner. Ils savent faire à la patrie, à son honneur, à sa grandeur telle qu’ils la conçoivent, les plus grands sacrifices. Dans trente ans d’ici, l’Amérique du Nord sera pour l’Europe une émule qui rivalisera avec elle en toutes choses. Il n’est pas dit qu’elle doive être systématiquement l’ennemie de l’Europe. Il faut croire qu’entre le nouveau monde et l’ancien les rapports seront le plus souvent amicaux ; mais la fierté nationale est grande de part et d’autre, et parmi les vertus de la grande république américaine la modestie et la réserve se font peu remarquer. Elle est sujette à affecter envers les monarchies de l’Europe l’attitude de la provocation et du dédain. Que d’affronts n’a-t-elle pas fait essuyer à l’Angleterre du temps de Jackson et de ses successeurs immédiats ! Et en ce moment sa conduite envers l’Autriche au sujet de l’envoi des volontaires au Mexique n’est pas frappée au coin de la modération. On doit donc s’attendre à ce que, dans un avenir peu éloigné par rapport à l’existence d’une nation, des luttes à main armée éclatent entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Pendant ces guerres, qu’il faut prévoir, l’Europe, si elle était divisée et désunie, serait faible et exposée à des échecs désastreux. On y parerait d’avance par l’organisation d’un concert entre les puissances européennes. Ce serait le moyen d’assurer l’équilibre des forces entre le nouveau monde et l’ancien, le moyen aussi de diminuer le nombre même des conflits possibles.

En un mot, quand la nouvelle conférence de Paris aura mené à fin son œuvre de transaction et de pacification, si elle y réussit, on devra considérer que tout n’est pas terminé. Il restera encore à parer aux besoins de l’avenir, besoins pressans qu’on ne pourrait négliger sans laisser la porte ouverte à de graves complications et à de grands périls. Dans la politique internationale, il n’y a plus de sécurité, et l’avenir est sombre pour toute l’Europe sans exception. N’y a-t-il pas quelque moyen de prévenir les orages et les dangers qu’on a lieu de pressentir ? C’est sur ce point que je me suis proposé d’appeler l’attention. Aux arbitres des destinées des états. d’aviser et de prévoir : caveant consules ! C’est de leur propre avenir qu’il s’agit.


MICHEL CHEVALIER.