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transformé en chlorure de calcium soluble qui tombait en déliquescence à l’humidité. Il en résulta des effondremens, des mouvemens à la surface du sol, les habitations supérieures se trouvèrent compromises : il fallut chercher un autre moyen. M. Rougier, de Septèmes près de Marseille, remplaça les carrières par des conduites cimentées avec des marcs de soude épuisés. Une large cheminée qui n’était pas attaquée par l’acide chlorhydrique fut remplie de fragmens de carbonate calcaire, que l’on renouvelait à mesure qu’ils étaient dissous ; il se produisait ainsi du chlorure de calcium, que l’on faisait écouler dans la mer. Pour cette invention, qui assainit toute une localité, M. Rougier obtint de l’Académie des Sciences un des prix de la fondation Monthyon. Le procédé généralement adopté en France aujourd’hui consiste en ceci : on fait passer les gaz dans une série de plusieurs centaines de bouteilles de grès, d’une contenance de 200 litres chacune. Ces bouteilles communiquent toutes entre elles par des tubes bien lutés, un courant d’eau les traverse en sens inverse du courant gazeux, de sorte que les gaz les moins chargés d’acide chlorhydrique se trouvent en contact avec de l’eau presque pure, qui dissout jusqu’aux dernières traces d’acide. C’est ce qu’on nomme une condensation méthodique. La dissolution acide que l’on recueille contient de 40 à 42 pour 100 de son poids d’acide pur, et marque environ 21 degrés à l’aéromètre Beaumé. En Angleterre[1], on a surtout adopté des dispositions imaginées par un savant manufacturier français, Clément-Désormes, et désignés par lui, dans son brevet d’invention, sous le nom de cascade absorbante. Nous avons eu occasion nous-même de voir, en 1862, les résultats des expériences en grand entreprises par nos voisins pour constater l’efficacité de ce procédé. Ces expériences ont déterminé l’installation définitive, dans presque toutes les usines de la Grande-Bretagne, de ces cascades absorbantes. Qu’on imagine une haute et large tour bâtie en pierres siliceuses ; l’intérieur de cette tour est rempli de coke ou mieux encore de fragmens de roches siliceuses ou de briques espacées ; les gaz sont introduits au bas de la tour, et avant de s’échapper au sommet ont à passer à travers les interstices de ces durs matériaux. Il leur faut donc suivre comme une série de petits canaux étroits, enchevêtrés, Hérissés d’aspérités, fourmillant de coudes, dans lesquels circule, en sens inverse des gaz, de l’eau qui tombe continuellement en pluie une au sommet de la tour et descend, à

  1. Les usines anglaises ne furent pas moins éprouvées que les nôtres par les réclamations que soulevaient les émanations du gaz chlorhydrique. A la suite de procès engagés par les corporations de Liverpool contre l’usine Muspratt, celle-ci fut obligée de s’éloigner de Liverpool et d’aller s’installer à Newton. L’éloignement des grands centres était du reste un palliatif bien insuffisant ; on ne faisait que reporter sur d’autres localités les graves inconvéniens qui résultaient du malsain voisinage des soudières,