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jusque-là peu connues, où le gisement avait été signalé furent l’objet de nombreuses visites de la part de tous ceux qu’intéresse ce bon marché de la potasse. Le minéral appelé carnallite, dont la mine renferme des quantités considérables, donne par son épuration un produit contenant jusqu’à 80 centièmes de chlorure de potassium. Une mine inépuisable de potasse se révélait. L’exploitation cependant fut, durant les premières années, languissante. En 1861, on ne parvint à extraire que 4,350 tonnes de carnallite ; en 1862, on retira 17,250 tonnes, en 1863 40,000 tonnes ; en 1864, on a dû en retirer 60,000 tonnes, si on s’en rapporte aux résultats publiés pour le premier trimestre. On le voit, la nouvelle exploitation est sortie de la période d’épreuves ; elle est en plein progrès ! Dès 1865, les premiers échantillons de chlorure de potassium ont apparu sur le marché français, au Havre d’abord, où la compagnie des mines d’Anhalt le livre au prix excessivement bas de 25 francs les 100 kilogrammes, à Paris ensuite, où ils sont livrés à 25 ou 30 fr. Il ne faut pas se dissimuler que c’est là pour les salines méridionales une redoutable concurrence. Sans doute, on continue à exploiter dans ces dernières les produits potassiques des eaux-mères, en même temps que le sulfate de soude, mais les avantages sur ce point sont sensiblement amoindris. Les prix de la soude elle-même ne peuvent manquer de se ressentir de l’abondance et du bon marché de la base alcaline rivale, la potasse. Le succès obtenu en Allemagne a éveillé l’attention des Français : au mois de mars 1863, les salines de l’est ont envoyé en Prusse un ingénieur des mines pour étudier les conditions géologiques du bassin de Stassfurt et les conditions économiques de cette nouvelle exploitation, afin d’appliquer, s’il y avait chance de succès, les résultats de cette étude aux gisemens salifères de la France.

Quoi qu’il en soit, voilà nos approvisionnemens en potasse et en soude assurés à jamais. On doit s’en applaudir d’autant plus que les sources qui nous fournissaient la potasse commençaient à s’appauvrir. Le procédé barbare qui a longtemps servi à préparer cet alcali si important, l’incinération des forêts, ne pouvait suffire longtemps ; les forêts s’épuisaient rapidement en Allemagne, en Russie, en Amérique, en Toscane. Aujourd’hui nous retirons la potasse soit d’une mine qui. semble inépuisable, soit des flots de la mer, qu’on peut certes exploiter indéfiniment. Il est impossible qu’elle nous fasse désormais défaut. Il est impossible aussi que la production de la soude artificielle ne continue à exercer sur les industries chimiques la grande et féconde influence dont nous avons cherché à montrer les principaux résultats.


PAYEN, de l’Institut.