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ainsi l’objet de savantes recherches; mais la difficulté de stationner longtemps aux alentours de ces points d’accès pénible, où l’on a toujours plus ou moins à souffrir de l’influence délétère des vapeurs au milieu desquelles on doit accomplir son travail, font que chaque volcan n’a guère été étudié que dans une phase particulière de son intensité. Le Vésuve par exemple a été observé par Gay-Lussac et Davy dans une période voisine de celle du maximum d’action volcanique; l’éruption de 1844 à l’Hékla était extrêmement affaiblie quand elle a été vue par M. Bunsen, et celle des volcans des Andes l’était encore davantage lorsqu’ils ont été visités par M. Boussingault. Or chaque observateur a cru à la constance des produits émis dans le lieu qu’il étudiait, quel qu’y fût le degré d’activité. C’est ainsi que l’acide chlorhydrique a été regardé comme caractérisant spécialement les émanations du Vésuve, les gaz et vapeurs sulfureuses comme appartenant plus particulièrement à l’Etna, l’acide carbonique comme propre aux volcans des Andes, et les gaz combustibles comme dominant au volcan de l’Hékla.

Telles étaient les idées généralement reçues, lorsque M. Ch. Sainte-Claire Deville, au retour d’un voyage scientifique pendant lequel il avait eu occasion de visiter la soufrière de la Guadeloupe, Ténériffe et Fogo, se rendit au Vésuve, alors en pleine éruption, et y demeura assez longtemps pour assister à l’évolution complète des phénomènes. Il vit que la nature des produits volatils rejetés variait avec le temps, et que l’on y observait successivement toutes les substances que l’on avait crues appartenir exclusivement à tel ou tel volcan. Dès lors il affirma qu’il devait en être de même dans tous les autres centres éruptifs, et qu’il existait une relation constante entre l’intensité générale des phénomènes, la température et la composition des matières volatilisées. Deux nouvelles éruptions survenues au Vésuve peu de temps après, en 1858 et en 1861, lui permirent de vérifier l’exactitude de cette assertion. Les produits émis y furent les mêmes qu’en 1855, et y varièrent dans le même ordre, suivant le temps et suivant la distance du foyer d’émission. Dans les points où les phénomènes présentaient le maximum d’intensité, sur le bord des courans de lave en fusion, les dépôts formés étaient surtout composés de sels de soude et de potasse re- couvrant d’un enduit blanchâtre les blocs refroidis du voisinage. Le chlorure de sodium, notre sel de cuisine ordinaire, en était l’élément le plus important. Quand la température s’abaissait et que l’incandescence venait à disparaître, les sels de soude et de potasse cessaient de se montrer; mais le chlorure de fer tapissait de ses riches couleurs la lave solidifiée, et en même temps l’acide chlorhydrique et l’acide sulfureux remplissaient l’atmosphère d’exhalaisons suffocantes. Au-dessous de 200 degrés, on ne retrouvait plus les produits précédens, mais on observait fréquemment des dépôts blancs de sels ammoniacaux et des amas de soufre fondu ou cristallisé sous l’apparence de longues aiguilles composées de petits octaèdres emboîtés les uns au bout des autres, et alors on ne sentait plus que l’odeur fétide de l’acide sulfhydrique. Enfin, au-dessous de 100 degrés, la vapeur