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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 août 1866.

On a, ces jours derniers, répandu le bruit qu’une négociation serait ouverte entre notre gouvernement et la cour de Berlin au sujet d’une rectification de la frontière française de l’est. L’occasion et le motif de la réclamation de la France seraient l’agrandissement imprévu de la Prusse ou de l’autorité prussienne en Allemagne, résultat de la dernière guerre. Il ne faudrait point peut-être exagérer l’importance de la négociation dont on parle. Dans toute grande question de politique internationale, il y a le fond et la broderie. Le fond, dans la question actuelle, c’est la révolution qui s’accomplit en Allemagne, et le changement que par corrélation cette révolution apporte dans la situation de la France. Sur ce fond-là, de petits dessins tracés au bord d’une frontière ne forment qu’un agrément de mince intérêt. Ne nous amusons point aux bagatelles, et voyons les choses comme elles sont. La révolution allemande est une l’évolution intérieure; les accroissemens germaniques ne sont point, à proprement dire, territoriaux, ce sont des augmentations intrinsèques qui s’opèrent par la concentration aux mains de la Prusse des ressources et des forces de la race qui possède la supériorité numérique parmi les nations européennes. L’équivalence qui peut faire véritablement contre-poids à cette condensation de la puissance de l’Allemagne sous le sceptre prussien ne saurait exister dans l’adjonction de quelques kilomètres carrés à notre territoire ; c’est en nous seuls que nous la pouvons trouver, c’est dans un effort prompt et continu de régénération intérieure, c’est dans une refonte de nos institutions militaires qui proportionne aux levées possibles de la Prusse le nombre des citoyens combattans que la France aurait au besoin à mettre en ligne, c’est dans notre émancipation politique et dans l’initiative des libertés qui ont plus d’une fois fourni à la France le plus efficace instrument de sa sécurité extérieure et de son action sur le monde. Nous sommes à l’un des momens les plus critiques de l’histoire de l’Europe et de la France : que