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nées, comment la fabrication de faux autographes reproduisant des lettres authentiques avait été possible.

Quelles autres nouveautés contient la récente introduction de M. Feuillet ? J’y remarque une lacune fâcheuse. On peut se rappeler que, pour défendre l’authenticité d’une certaine lettre de Louis XVI sur une représentation de l’Iphigénie en Aulide, il alléguait une lettre de Gluck attestant que le roi, contre toute vraisemblance, était présent. Pourquoi n’avoir pas pris le temps, en vue d’une publication dont on était maître, de se procurer le texte de cette lettre avec les preuves d’authenticité ? Elle est, nous disait-on, chez un curieux de Londres ; ce n’est pas là une distance infranchissable ; la peine eût été mince, et nous eussions été heureux de rendre justice à une démonstration non équivoque.

Je n’insisterai pas sur un nouvel exemple du procédé qu’on a déjà vu appliqué à la lettre devenue presque célèbre sur la Dubarry. On se rappelle les trois successives et surprenantes découvertes que M. Feuillet avait su faire dans le malheureux texte de sa minute autographe ; on a ici quelque chose de semblable. Une certaine lettre sur Mme Elisabeth, où le fabricateur avait eu le tort de faire allusion à trois ou quatre faits différens, — tort grave, qui multiplie les occasions de désaccord avec les mille circonstances de la réalité, — avait été placée par nos éditeurs en 1778 parce qu’elle paraissait faire mention du voyage de Joseph II en France, effectué en 1777. Beaucoup d’objections s’étant élevées contre cette date, M. Feuillet s’est rendu, et il découvre aujourd’hui, « sous une rature, dans le brouillon, » ces mots qu’il n’avait pas soupçonnés jusqu’alors : « d’après Maximilien ! » Et, grâce à la nouvelle lecture, la lettre, faisant apparemment allusion au voyage de l’archiduc Maximilien en France, peut désormais être placée à la date de 1775, que d’autres circonstances par elle mentionnées réclamaient. — Voilà, pour le dire en passant, ce qui encourage à faire des objections à M. Feuillet ; comme ses textes ne sont pas le moins du monde fixés et que ses « minutes autographes » peuvent se prêter à de notables différences avec les originaux de M. d’Hunolstein, on ne doit jamais désespérer de se trouver quelque jour d’accord avec lui.

Les autres argumens de sa récente réponse nous étaient déjà connus. On retrouve ici la naïve excuse de ces innocentes coquilles du premier tirage si heureusement corrigées dans le second. On retrouve surtout la triomphante histoire de ces secrétaires de la main que M. Feuillet paraît connaître de si près, et sur lesquels il aurait certainement encore d’autres confidences à nous faire. Son introduction ne nous offre plus après cela d’autre nouveauté, j’ai regret à le dire, qu’un plus grand nombre d’insinuations dont il aurait dû s’abstenir. La moindre est que je n’ai donné ici qu’un « manifeste collectif» auquel j’ai mis mon nom. Je saisis bien volontiers l’occasion qu’il m’offre de répéter que je ne prétends pas m’attribuer le seul mérite dans le travail de critique qui a servi à démontrer