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LA GUERRE EN 1866.

En second lieu, si nous cherchons à supputer le nombre des soldats, nous arriverons à une conclusion moins frappante, mais à peu près pareille, quoiqu’il semble, à première vue, que la proposition doive presque se renverser. L’effectif de l’armée autrichienne était sur le papier de 600,000 hommes, et les contingens qu’aux termes de l’acte fédéral ses alliés devaient en tout temps tenir sous le drapeau s’élevaient au chiffre de 250,000 hommes. C’était de première mise un effectif de 850,000 soldats, sur lequel il semblait qu’on pût compter, et qui devait offrir peu de déchets, d’autant moins qu’en vertu de ses institutions militaires l’Autriche dispose encore d’une réserve de 200,000 hommes, sans compter les appels extraordinaires qu’elle peut faire, sans compter aussi que les gouvernemens de ses alliés. Bavarois, Saxons, Wurtembergeois, peuvent appeler sous les armes un nombre d’hommes beaucoup plus considérable que celui qui est fixé par les règlemens fédéraux. Aussi était-on fondé à croire qu’en vue d’une guerre prochaine l’Autriche et ses alliés, pour peu qu’ils eussent montré une activité ordinaire, auraient dû être en mesure d’entrer en campagne avec 1 million d’hommes. Ce n’était pas trop demander à leur zèle, aujourd’hui surtout qu’il faut s’engager dans la guerre avec l’ensemble de tous ses moyens. La puissance des coups qui se portent dès les premiers chocs est si énergique et si destructive, que celui qui hésite à se compromettre d’emblée avec toutes ses ressources, sous prétexte de ménager l’avenir, s’expose à subir dans le présent des désastres dont il ne pourra plus se relever.

L’alliance italo-prussienne accusait sur le papier des chiffres plus considérables que ceux de ses adversaires : 700,000 hommes pour la Prusse et 500,000 pour l’Italie ; mais dans un pays comme la Prusse, où tout le monde est tenu au service militaire, où l’armée, quand on la met sur le pied de guerre, se compose, pour plus de moitié, de citoyens qu’il faut arracher subitement à la vie civile, on peut compter que l’effectif présenté sur le papier subit dans la pratique et par la force des choses un déchet beaucoup plus considérable qu’il ne s’en produit dans une organisation militaire comme celle de l’Autriche, où des corps permanens, recrutés seulement parmi la fleur de la jeunesse, veillent avec un soin jaloux sur la composition et sur l’entretien de leur personnel. Aussi les estimations les plus avantageuses ne portent-elles pas à plus de 500 ou de 550,000 le nombre des soldats que la Prusse a réellement pu mettre en campagne. Quant à ses alliés allemands, ce n’est presque pas la peine d’en parler : entre eux tous, ils ne comptaient que pour un contingent fédéral de 32,000 hommes, et quelques-uns d’entre eux étaient déjà fusionnés dans l’armée prussienne. Quant à l’Italie,