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LA GUERRE EN 1866.

l’organisation, les institutions qui l’en détournent, il y a aussi l’esprit de corps et l’amour-propre national qui répugnent à paraître recevoir une leçon. Sans sortir de chez nous, nous avons une preuve bien frappante de l’existence de ce sentiment instinctif dans les efforts qu’a faits et que fait encore l’artillerie de la marine pour se créer un système différent de celui de l’armée de terre. Ensuite il y a le désir bien naturel, lorsqu’on vient en second, de faire mieux que ses prédécesseurs. Or c’est ce désir qui a poussé presque tous les officiers étrangers à rechercher, même pour le service de campagne, des canons à chargement par la culasse. En effet, la théorie enseigne par principe, mais sans tenir compte d’une foule de considérations pratiques qui diminuent singulièrement l’autorité de ses leçons, qu’un projectile forcé doit en thèse générale porter plus juste qu’un projectile qui ne l’est pas. C’est pour essayer d’obtenir le bénéfice de cette justesse théorique que la plupart des artilleries étrangères ont voulu tirer des projectiles forcés, et partant se sont soumises au chargement par la culasse, qui est le moyen le plus simple de forcer un projectile, en le recouvrant d’une substance molle comme le plomb, qui entre facilement dans les rayures de la pièce. Pour bien des raisons qu’il serait trop long sans doute d’expliquer en ce moment, ce système du projectile forcé, que nous n’avons jamais appliqué, car nos pièces à chargement par la culasse peuvent aussi se charger par la bouche, ce système a été successivement abandonné par la plupart des artilleries qui l’avaient adopté, ou s’il subsiste encore chez quelques-unes, c’est seulement à l’état de nouvelle édition qui n’a pas encore subi l’épreuve de la pratique. Les Prussiens, pour leur part, en sont à leur troisième édition, mais qui vient seulement de paraître.

Les Autrichiens, qui nous avaient pris un canon à Magenta, ont débuté comme les autres, lorsqu’ils ont tenté la création d’une artillerie rayée en voulant faire quelque chose de tout à fait original, et même ils sont allés dans ce sens plus loin que personne. Ils commencèrent, sous la direction d’un officier très ingénieux et très distingué, le général baron Lenk, par adopter un canon qui, au lieu de poudre ordinaire, se chargeait avec du fulmi-coton. Un nombre assez considérable de batteries, une trentaine, dit-on, soit deux cent quarante pièces, avaient été déjà construites dans ce système, lorsque l’expérience et l’explosion spontanée d’un magasin forcèrent de reconnaître que le fulmi-coton, même perfectionné comme il l’avait été par le général Lenk, n’était pas encore devenu une matière propre au service de guerre. Forcés de revenir sur leurs pas, les Autrichiens ont depuis construit une artillerie de campagne moins ambitieuse comme nouveauté. Pour les poids, les dimensions, les attelages, le calibre, le nombre des