Cet amiral mit à la voile de Toulon, le 9 avril 1778, à la tête d’une escadre composée de douze vaisseaux et quatre frégates avec huit cents hommes d’infanterie. Il entra dans la Delaware le 7 juillet suivant[1]. Or Stedingk n’a pu partir avec d’Estaing, puisqu’il y a de ce Suédois, dans ce qu’on appelle ses Mémoires, une lettre du 11 décembre 1778, écrite de Paris, où il était resté, à ce même Gustave III de Suède, dont s’est tant occupé M. Geffroy[2]. Il ne s’embarqua que le 1er de mai 1779 (un an plus tard) avec Lamothe-Picquet, qui appareilla de Brest pour aller renforcer le comte d’Estaing après la fameuse affaire de Sainte-Lucie. Arrivé à la Martinique, il partit le 27 du mois suivant avec le chevalier de Lameth et Gaultier de Kerveguen, sous les ordres du comte d’Estaing, pour la Grenade, qui fut enlevée le 4 juillet.
Suivant M. Geffroy, d’Estaing aurait pour cette glorieuse affaire débarqué trente mille hommes. Or ce sont douze cents hommes qu’il faut lire d’après le rapport officiel écrit par d’Estaing lui-même au ministre de la marine, le 12 juillet 1779, en racle du Fort-Royal de Saint-George. Stedingk, en ses mémoires, dit treize cents. Un enseigne de vaisseau nommé Besson de Ramazane, qui était présent à l’affaire, et dont une lettre sur ce sujet est conservée aux archives de la marine, dit quatorze à quinze cents. Le comte de Lapeyrouse-Bonfils, ancien officier de marine, qui a écrit une Histoire de la marine française, dit aussi, tome III, p. 88, quinze cents; mais M. Geffroy dit trente mille. Il est vrai qu’il est professeur d’histoire. Ce n’est pas tout, il ajoute qu’après avoir fait voile pour Rhode-Island, d’Estaing força les Anglais à lever le blocus de New-York. Comment leur eût-il fait lever le blocus de cette ville quand on sait qu’elle était en leur pouvoir? Les Anglais avaient alors trente mille hommes cantonnés dans Philadelphie et dans New-York.
Voilà des erreurs qui assurément n’ôtent rien à l’intérêt des charmantes correspondances de femmes données par M. Geffroy dans son travail sur Gustave III de Suède, mais qui sont bien propres à rendre modeste quiconque tient une plume. Et ce ne sont pas les seuls lapsus que nous aurons à mentionner de notre sévère critique.
Je lui ai répondu à l’avance, dans un errata de proprio motu, en ce qui touche aux lettres de Louis XVI relatives à la Fête-Dieu et à l’affaire du collier. L’auteur des articles critiques conteste l’authenticité de cette dernière lettre, parce que le roi y ordonne de faire redemander le cordon de ses ordres au cardinal de Rohan. Tout le monde sait en effet qu’en règle générale on devait passer par l’or-