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dre, s’en vante; elle y montre la preuve de sa fidélité aux antiques traditions, la manifestation de son invariabilité. Elle condamne le mariage civil, la liberté de la presse, la liberté de la parole, la liberté de conscience, toutes les libertés chères au monde actuel. La fameuse encyclique Quantâ curâ et le syllabus qui l’accompagnait n’ont fait que confirmer récemment les anathèmes lancés par le souverain pontife à tant de reprises différentes contre ce qu’il appelle les œuvres de l’esprit du mal, de Satan. Cet antagonisme contre la société actuelle, le prêtre la puise dans ses études du séminaire, dans ses lectures, dans toute l’histoire ecclésiastique depuis que saint Augustin a déchaîné l’intolérance. Il s’effraie à la vue du mouvement des idées; les progrès de la science critique surtout lui inspirent une inquiétude sourde et une répulsion invincible. Représentant du moyen âge, il voudrait ramener les hommes vers ce régime théocratique, qui est pour lui l’âge d’or de l’humanité et l’image de l’ordre légitime. Dans ces conditions, les idées et les aspirations du clergé étant ce que nous venons de dire, n’est-il pas souverainement imprudent de confier à ce clergé la direction morale de l’école, qui doit être le berceau de la cité moderne? L’institution qui a pour but de préparer l’avenir, vous la remettez entre les mains de ceux qui ne rêvent que la restauration du passé : n’est-ce pas rendre impossible l’établissement définitif de la liberté? Vous voulez conserver les institutions que vous a léguées la révolution de 1789 : or il est un corps puissant et obéissant aux ordres d’un souverain étranger, absolu et maintenant toutes les intolérances anciennes; ce corps déclare hautement que ces institutions sont mauvaises, et qu’il ne les tolère qu’à cause de la dureté des temps et de l’impiété actuelle; il espère donc faire refleurir et la piété et les institutions d’autrefois; et c’est à ce corps que vous confiez la direction de vos écoles et le soin de former votre jeunesse ! Tel est le langage des partisans de l’école laïque, et il est difficile de ne pas être frappé de la force des considérations qu’ils font valoir. Il nous faut voir maintenant comment on est parvenu à enlever l’école à l’église sans affaiblir le sentiment religieux et en favorisant la diffusion des idées morales. C’est là l’exemple que nous offre la Hollande.


II.

Jusqu’au commencement de ce siècle, la Hollande n’eut point de système général d’enseignement pour le peuple. A côté du temple protestant, des écoles s’étaient établies sous l’influence de la réforme; mais les catholiques n’avaient guère d’institutions où ils pus-