manière dont ils s’agencent, les résultats matériels qu’ils donnent constituent un phénomène de l’ordre économique, résumé par cette formule générale et abstraite : la production. Cet inévitable phénomène de la production s’accomplit par des procédés très divers, depuis l’esclavage bestial jusqu’à la liberté absolue rêvée par les économistes. Eh bien! le système politique d’une époque et le droit des gens qui en découle sont commandés par le système en vigueur pour le travail, et quand un progrès social tend à se réaliser, c’est qu’il est rendu possible par une évolution progressive dans le phénomène de la production.
C’est là précisément ce qui se passe à notre époque. Le principe des nationalités impliquant l’indépendance absolue des peuples a fait invasion dans le droit des gens. Le triomphe de ce principe coïncidera avec une transformation économique déjà poussée très loin, et qui sera couronnée par l’affranchissement absolu du travail. On verra sous ces influences la politique européenne changer de maximes et d’allures, et un nouveau code international traduira le rêve de la démocratie contemporaine. Telle est la loi du progrès. Il serait trop long d’en poursuivre le développement historique à travers le moyen âge; mais il est indispensable de vérifier cette loi dans la formation de la monarchie proprement dite, évolution sociale sous l’empire de laquelle nous sommes encore : nous allons voir comment l’excès du principe monarchique a fait surgir le problème des nationalités.
Les peuples favorisant la concentration du pouvoir pour trouver aide et protection contre les tyrannies locales, telle fut l’origine et la raison d’être des monarchies modernes. Ce mouvement ne fut pas le résultat d’une théorie abstraite et réfléchie sur la souveraineté : peuples et rois suivaient naïvement l’impulsion de l’intérêt. Le roi, en abattant un seigneur féodal, se considérait comme substitué à ses droits; les villes et les corporations réclamaient le maintien des coutumes abusives dont elles tiraient profit. Extirper radicalement la féodalité eût été impossible : on se contenta de mettre fin à son rôle politique en lui conservant par transaction de nombreux avantages. Le caractère de la révolution fut de changer les droits seigneuriaux en privilèges octroyés ou vendus. On possédait, on travaillait de par le roi. Déclaré propriétaire de tout le sol, le roi aurait voulu que les terres féodales fussent changées en alleux; cela aurait augmenté le nombre des contribuables. La transformation fut lente et pénible, parce qu’une grande partie du sol était immobilisée au profit du clergé, parce que les grands seigneurs, en réalisant leurs domaines, n’auraient pas eu l’emploi de leurs capitaux. On comptait encore 70,000 fiefs ou arrière-fiefs en France