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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 juillet 1866.

Une femme d’esprit écrivait, il y a cent ans, qu’on enrageait en France avec urbanité. Essayons de faire encore comme on faisait chez nous il y a cent ans. Restons polis en étant fâchés. Tâchons d’exprimer sans violence et sans amertume le chagrin qu’inspire au patriotisme français la révolution à la fois artificielle et fortuite qu’on laisse gratuitement s’accomplir au centre de l’Europe.

Les dernières révolutions en France ont été remarquables par leur rapidité : trois fois de suite, en 1830, en 1848, en 1851, trois journées ont suffi pour changer la forme de notre gouvernement. Les guerres de notre temps produisent leurs effets avec une promptitude égale. Les guerres de sept jours ont remplacé les guerres de sept ans. Deux semaines d’opérations actives décident du sort des états. Il n’en a point fallu davantage à la Prusse pour changer les destinées de l’Allemagne et en prendre la direction suprême. Depuis le jour où a été prononcé le discours d’Auxerre, depuis le jour où a été écrite la lettre à M. Drouyn de Lhuys, ne dirait-on pas qu’il s’est écoulé un siècle? Là surtout est la cause de la stupéfaction dont la France est aujourd’hui frappée. Nous sentons qu’un changement profond s’est accompli dans notre situation sans que nous ayons nous-mêmes changé de place, fait aucun mouvement. Nous nous étions figuré que, s’il restait quelque chose encore des traités de 1815, ce débris allait être balayé à notre avantage, et nous nous réveillons en face d’une Prusse maîtresse de l’Allemagne, devant un état de choses qui eût mis le comble à nos malheurs et à notre désespoir, s’il se fût réalisé en 1815. Tout est étrange, inexplicable dans ce coup de théâtre. En le voyant accompli, on est frappé à la fois d’étonnement et d’anxiété. On se met vainement l’esprit à la torture pour en saisir les causes dans le passé et pour en cal-