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catholique, sa misère le force de représenter à sa majesté que cet acte de la piété du feu roi l’a privé des ressources qu’il aurait trouvées dans sa famille maternelle, dont plusieurs membres possèdent des emplois honorables, tant au service qu’à la cour de plusieurs princes d’Allemagne. S’il est du roi très chrétien d’arracher la jeune noblesse à l’erreur, il est aussi de sa justice de suppléer aux avantages que peut lui faire perdre la connaissance de la vérité... Charles Duhamel demande en conséquence une pension de quatre mille livres sur les économats ou sur les biens des religionnaires fugitifs. Il ne cessera de faire des vœux pour la conservation des jours précieux de votre majesté. » Il raisonnait logiquement, ce converti, en voulant qu’on se chargeât de ses intérêts temporels après qu’on l’avait privé de la libre disposition de ses intérêts spirituels.

Quel martyrologe que celui des victimes que firent pendant le règne de Louis XIV d’abord les abus persistans de l’administration des finances, énergiquement combattus, il est vrai, après cela les poursuites, exaltées par la terreur, contre les empoisonnemens, et enfin la persécution religieuse! Eh bien! ce n’est pas tout encore. Il faut y ajouter les fréquentes disettes, comme celle de 1709, qu’accompagnèrent d’autres fléaux, multipliés, accrus, perpétués par le fléau permanent de la guerre. Les maux que les erreurs d’une science économique mal éclairée ou les fautes d’un gouvernement ambitieux créaient à plaisir, la police ne pouvait pas les faire disparaître. On la voit s’épuiser en efforts, multiplier les répressions contre la presse par exemple, et sait-on quels écrits elle s’attache à poursuivre? Ce sont de certaines pages de Fénelon! ses mandemens épiscopaux sont eux-mêmes interdits hors de son diocèse.

Le mérite particulier du livre de M. Clément est d’avoir constamment ménagé cette vue multiple de l’histoire générale sans avoir un instant déserté son véritable sujet. Deux figures sur lesquelles il a su répandre un constant intérêt, sans compter celle de Louis XIV, qu’on aperçoit sans cesse dans le fond du tableau, ramènent et réunissent tous les principaux fils de son récit : je veux parler des deux lieutenans-généraux de police qui ont occupé la longue période du règne de Louis XIV, La Reynie et d’Argenson. Tous deux furent des administrateurs intelligens et modérés; de tous deux Saint-Simon a tracé des portraits qui les honorent également. Sans doute, avec nos idées de liberté moderne, nous trouvons beaucoup de leurs actes empreints d’un caractère odieux d’arbitraire et d’inquisition; il faut cependant leur savoir beaucoup de gré d’avoir usé avec une certaine réserve d’un pouvoir à peu près sans limites, et d’avoir apporté de réels tempéramens aux rigueurs souvent affreuses dont une législation barbare leur ordonnait d’être les instrumens.


A. GEFFROY.


F. BULOZ.