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intérêts les plus vivaces du pays, mais encore à la fierté du sentiment public. La Grande-Bretagne, ainsi que l’a reconnu l’Economist, s’était résignée à ne plus peser sur le monde comme puissance militaire, elle savait qu’elle ne représentait qu’une puissance géographique de second ordre ; mais son orgueil était satisfait du rôle de grande puissance financière. Son amour-propre a été blessé dans ce qu’il avait de plus sensible lorsqu’elle a vu la défiance générale repousser ses valeurs de crédit, si recherchées jusque-là par le monde entier.

Tel a été le caractère saillant et nouveau de la crise actuelle ; on peut être assuré que rien ne sera négligé pour prévenir le retour d’une pareille calamité. Les hommes d’affaires ont les sensations vives, mais la mémoire courte. S’il ne s’agissait que d’une de ces secousses périodiques qui portent de rudes coups aux fortunes privées, on n’y penserait plus dans six mois, car le mouvement fécond du travail ne tardera point à compenser les pertes subies. Il en est autrement de l’échec éprouvé par le crédit extérieur de la Grande-Bretagne ; c’est une bataille perdue qui laissera un long souvenir. Il ne suffirait pas de s’approvisionner de canons rayés et de fusils à aiguille, de construire des monitors ou d’étendre les fortifications pour garantir désormais le royaume-uni ; il faut sonder courageusement la plaie financière, y porter au besoin le fer chaud et rétablir dans l’estime de l’univers la force vitale qui anime ce grand corps. « Les chiens de garde sont nécessaires pour préserver le troupeau, » disait le duc de Wellington ; ce qui est plus nécessaire encore, c’est que le troupeau continue de prospérer. Aussi toutes les institutions financières vont-elles passer au creuset de la discussion ; on peut s’en rapporter sous ce rapport à l’esprit sérieux et investigateur des Anglais, aiguisé par l’intérêt national mis en éveil. On laissera de côté tout vain ménagement ; on essaiera d’atteindre le mal dans sa racine. Aucun principe, quelque éprouvé qu’il paraisse, ne saurait se soustraire au plus minutieux examen.

L’occasion semble favorable aux innombrables faiseurs de projets pour mettre en avant les réformes qu’ils prônent depuis longtemps, notamment en ce qui touche le régime de la circulation fiduciaire. Le prestige de la richesse générale s’est trouvé voilé ; ne faut-il pas s’en prendre à une mauvaise organisation du crédit ? Les ressources de l’Angleterre se sont montrées insuffisantes ; n’est-ce pas le moment d’essayer de la merveilleuse panacée d’une multiplication plus abondante de la monnaie créée sans effort et sans peine ? L’act de 1844 n’a-t-il pas été comme le dragon jaloux qui défendait l’entrée du nouveau jardin des Hespérides ? ne faut-il point l’écarter afin de prêter secours à tous ceux qui demandent des