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de l’encaisse égale au tiers des billets en circulation, cette proportion arbitraire que Cobden repoussait et qu’un économiste allemand distingué, M. Michaëlis, a eu raison de qualifier de non-sens arithmétique. Chaque billet présenté à l’échange, si cette proportion fait loi, suffit pour la troubler quand elle existe, puisqu’il déplace une quantité d’or qui devrait faire retirer de la circulation trois fois autant de billets. — En France comme en Angleterre, la circulation fiduciaire oscille autour d’une quotité à peu près fixe de billets émis sur des garanties autres que de l’or, sauf les complémens variables représentés par le mouvement de l’encaisse métallique. Les différences ne sont que peu sensibles entre le résultat produit par le mécanisme inflexible du département de l’émission de Londres et celui qu’amène le régulateur construit par l’expérience prévoyante du conseil de la Banque de France. Les deux institutions ne se distinguent en réalité que par la forme des relevés hebdomadaires qu’elles publient et par l’impression que peut produire sur l’esprit public la révélation permanente de la situation des ressources disponibles de la Banque d’Angleterre, alors que l’on voit approcher le moment où la réserve commerciale (banking-reserve) ne pourra plus à aucun prix, quelle que soit l’élévation du taux de l’intérêt, fournir aux demandes d’avances ou d’escomptes. La Banque de France n’a aucune limite légale qui gêne ses allures : elle pourrait au besoin, en serrant l’écrou de l’escompte, émettre un surcroît temporaire de billets, bien qu’elle recule prudemment devant une pareille extrémité. La Banque d’Angleterre ne le peut pas ; pour entr’ouvrir une pareille perspective, il faut suspendre l’act de 1844, sauf à ne pas avoir recours à la faculté ainsi conquise, et à se borner, comme l’on vient de le faire lors de la dernière crise, à exercer une influence morale pour calmer la panique.

Là se rencontre le nœud de la question agitée en ce moment au-delà du détroit en ce qui concerne l’organisation de la Banque, car il ne faut pas s’y tromper, le terme retentissant de suspension de l’act de 1844 ne signifie que la possibilité d’étendre temporairement l’émission de billets, sous d’autres garanties que de l’or, au-delà de la limite déterminée par la clause II. La loi entière reste toujours debout, et son principe ne fait que se fortifier au contact de l’expérience. En effet, la suspension de l’act a été purement nominale en 1847 et 1866 ; pas un billet n’est venu s’ajouter à la circulation normale ; en 1857, une quotité insignifiante de 928,000 livres sterling a suffi comme supplément, alors que l’escompte à 10 pour 100 empêchait qu’on n’abusât de cette tolérance ; pour multiplier un capital fictif et pour troubler le cours régulier des lois de l’échange libre.