Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

physique et l’histoire politique de ces contrées. Elle a exposé les incidens de la guerre civile qui, après avoir sévi dans la Bande-Orientale en 1863 et amené l’intervention armée du Brésil, se terminait par le triomphe du général Florès à Montevideo. Depuis cette époque, une nouvelle guerre a éclaté. N’ayant à l’origine d’autre motif que des revendications de territoires et des questions de navigation, elle a depuis changé de caractère : il s’agit aujourd’hui de renverser le président du Paraguay, de donner à ce pays une liberté qu’il ne semble pas réclamer, et des institutions analogues à celles des états voisins. Si l’importance d’une lutte se mesure à l’acharnement des combattans et à l’étendue des pertes, on trouvera peut-être, même après le récit des batailles de Custozza, de Sadowa et de Lissa, encore quelque intérêt à suivre les opérations militaires entreprises au même moment sur l’autre hémisphère dans des conditions bien différentes de celles que présentent les guerres européennes.


I

En jetant les yeux sur la carte de l’Amérique du Sud, on est frappé de la disproportion qui paraît exister entre les forces respectives des belligérans ; on s’étonne que le Paraguay ait osé provoquer la lutte, et plus encore qu’il n’ait pas déjà été écrasé. Toutefois il ne sera pas malaisé de voir que l’infériorité du Paraguay n’est pas aussi grande qu’on pourrait le supposer tout d’abord, et que les moyens offensifs dont les alliés disposent ne dépassent guère ceux dont il peut user pour sa défense, il existe une intime corrélation entre l’organisation politique et sociale d’une nation et sa puissance militaire. Un examen de la situation intérieure spéciale à chacun des états engagés dans la guerre montrera comment le gouvernement du Paraguay s’est trouvé, pendant quelque temps, seul en mesure de disposer de forces relativement considérables. On sait comment la république argentine, arrêtée jadis dans son essor par sa dépendance aux lois de sa métropole, et depuis par une longue série d’agitations intérieures ; n’a pu tirer parti d’aucune des conditions favorables qui lui étaient naturellement assurées, la richesse du sol, l’avantage d’une heureuse situation, la salubrité du climat. C’est à peine si sur une superficie de 2,362,000 kilomètres carrés (quatre ou cinq fois celle de la France) elle compte 1,200,000 habitans[1].

  1. La France compte 230 habitans par mille carré ; la moyenne de l’Europe est estimée à 90 par mille carré. La confédération compte 1 3/4 habitant par mille carré.