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l’abcès aux étrangers et défendit à tout Paraguayen d’en sortir. Dans le mystère et le silence, il se mit à former une petite armée d’Indiens toujours soumis, avec laquelle il dompta la résistance de ceux qui s’opposèrent d’abord à ses vues. Une fois maître absolu, il se trouva en face d’une population peu intelligente, ayant peu de besoins, ennemie du travail régulier. Il avait tout à créer. Eclairé par l’exemple des jésuites, dont les établissemens avaient longtemps prospéré, et adoptant leur système avec moins de douceur toutefois, il imposa aux habitans le travail commun, le seul auquel on pût d’abord les astreindre. Il exigea des redevances, payées le plus souvent en nature, car l’argent était rare et ne circulait pas. Pour tirer parti de ces denrées qu’il recevait à titre d’impôt, l’état dut se faire lui-même commerçant. Pour fixer les Indiens au sol, on les força d’élever des habitations réunies en village. L’état devint entrepreneur et industriel. La tâche journalière de chacun fut réglée. Il ne pouvait être question de liberté personnelle, de garanties sociales. Chaque individu ne fut qu’un membre d’une immense communauté, où sa personnalité disparut, et à laquelle il dut compte de son temps et de ses facultés. Francia mourut en 1842. Son successeur, don Antoine Lopez, tout en conservant à l’intérieur le même système de gouvernement, se sentit assez fort pour le modifier quant aux relations extérieures. Sous Francia, un seul point était ouvert au commerce avec le Brésil, Itapua, sur le Parana. Don A. Lopez songea bientôt à s’ouvrir les fleuves. Menacé par Rosas, il entra dans l’alliance de Corrientès et du Brésil. Son armée, déjà organisée, lui permettait d’être moins timide. L’indépendance du Paraguay fut enfin reconnue en 1852. Aussi le fils de A. Lopez, le général Solano Lopez, qui lui succéda en octobre 1862, entra-t-il plus résolument dans cette voie. Sans cesser de concentrer tous les pouvoirs politiques et sociaux dans ses mains, sans tolérer encore ni journaux ni manifestation libre de l’opinion, il semble néanmoins montrer quelques dispositions à initier sans secousse le pays à la vie politique. Avant de commencer les hostilités, il a exposé les motifs de sa conduite devant le congrès national, dont il a demandé l’approbation pour l’émission d’un papier-monnaie. Il a pourtant rencontré certains symptômes d’opposition. On a parlé d’un complot dirigé par un ecclésiastique, le père Maïz, d’une conspiration où l’on aurait cherché à soulever quelques nègres encore esclaves, et dans laquelle des étrangers, des Français, auraient été compromis : il a même été question de mésintelligence dans la famille du président ; mais l’absence de toute publicité rend difficile de recueillir à cet égard autre chose que de vagues indications. Quoi qu’il en soit, ces tentatives n’ont pas trouvé grand appui dans le