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que les blessés. Ce qui est certain, c’est que les malades et les blessés brésiliens sont en si grand nombre que les hôpitaux ne suffisent plus à les contenir, et pourtant une grande partie sont morts en route sur les transports.

Après la bataille de Tuyuti, les alliés semblèrent se décider à s’arrêter, l’escadre, d’où ils tirent leurs approvisionnemens, ne pouvant avancer au milieu des obstacles de toute sorte, chaînes, barrages, bateaux échoués, dont on avait obstrué les bras du fleuve où elle devait s’engager. Les fonds du Parana sont encore très mal connus, et elle avait à opérer des sondages longs et difficiles. L’armée ne pouvait se séparer de l’escadre, et d’ailleurs elle manquait totalement de chevaux. Un décret du 7 juillet 1866 a ordonné à Buenos-Ayres l’expropriation, sauf une faible indemnité allouée aux propriétaires, de 5,000 chevaux et de 1,500 mulets pour le service de l’artillerie et du train. L’armée alliée, réduite, au dire de quelques officiers blessés rentrés à Buenos-Ayres, à 24,000 hommes, a dû prendre le parti de camper, se protégeant par des fortifications de campagne, contre lesquelles les Paraguayens ont découvert le 14 juin une batterie de grosses pièces qui a fait quelques ravages. Elle attendra probablement sous cet abri l’arrivée des bêtes de somme sans lesquelles l’artillerie ne pourrait suivre l’armée. On voit que les difficultés de cette guerre, où les alliés ont contre eux la ténacité de l’ennemi, des ouvrages d’art assez considérables, des obstacles naturels, tels que les mauvais terrains, la distance, les fleuves, enfin l’insalubrité du climat et le défaut d’approvisionnemens, seraient de force à éprouver sérieusement même des armées européennes.

Au moment où ce récit se termine, vers le 10 juillet 1866, l’armée alliée se tenait immobile, repoussant chaque jour les attaques des Paraguayens. Elle n’avait encore menacé ni Humayta ni même Curupayti ; elle allait être renforcée par le corps du baron de Porto-Allegre, qui avait passé le Parana à Itapua. La direction supérieure appartenait toujours au général Mitre ; mais le commandement des troupes brésiliennes, abandonné par le maréchal Osorio, venait d’être remis au général Polydoro. Le président du Paraguay, bien que, d’après certains dires, son armée ne compte plus guère que 15,000 hommes, ne parle pas encore de céder. Au Brésil du reste, on ne se montre pas davantage disposé à terminer la lutte avant que le programme tracé dans le traité du 1er mai 1865 ne soit entièrement accompli. Bien que les dépenses aient atteint un chiffre très considérable et dépassé de beaucoup les premières prévisions, et que l’on se préoccupe à Rio de la question financière et de la fâcheuse situation de la banque, on ne cesse pas de préparer des