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Brixton, 15 juin.

L’offre faite à ma protégée par ses anciens maîtres n’est pas précisément ce que j’attendais. M. Evans ne s’est laissé persuader qu’à grand’peine de recommencer une épreuve déjà faite et manquée. Il ne veut pas prendre d’engagement positif vis-à-vis de Cameron, et lui permet seulement de s’embarquer sur le même navire que lui. Le prix de la traversée sera payé par elle. Une fois en Amérique, et selon qu’elle aura paru plus ou moins digne d’indulgence, peut-être les Evans la reprendront-ils à leur service. Jane m’a demandé conseil ; mais je n’ai pas cru devoir prendre la responsabilité d’une décision si grave. Elle seule verra ce qu’elle peut espérer de l’essai qu’on lui propose, et on lui donne huit jours pour y réfléchir.

Brixton, 25 juin.

Aux conditions déjà dites, Jane s’embarque le 29 de ce mois. Jamais je ne l’ai vue plus confiante et plus sereine. Ses pauvres finances sont en désarroi, et il lui manque quelques guinées pour payer son passage. Il faudra bien y pourvoir de manière ou d’autre. Elle m’a bien embarrassée l’autre jour en me demandant ce qu’elle aurait à faire, si le hasard la rapprochait de mistress Cameron, son indigne mère. — Dans une ville comme New-York, lui ai-je répondu, pareille rencontre est peu probable ; mais si votre mère continue à vivre là-bas comme elle vivait à Glasgow, vous devez rompre avec elle, coûte que coûte…

Jamais je ne me serais doutée que le départ de cette jeune femme serait pour moi le sujet de préoccupations aussi vives. J’attribue cette espèce de phénomène à l’intensité des regrets qu’elle me témoigne elle-même. J’ai d’ailleurs comme le pressentiment d’une séparation irrévocable. Nous ne nous reverrons sans doute plus ici-bas.


MISTRESS MARGHARET EVANS A MISS LYDIA WESTON,
Magdalen-Hill, Swordsley, Essex.

New-York, 10 février 1865.

Jane Cameron, chère miss Weston, n’a pas à se reprocher la négligence et l’oubli dont vous avez pu la croire coupable ; je sais de science certaine qu’elle vous a écrit, vers la fin de l’année 1864, une très longue lettre, sans doute égarée, puisque vous me demandez aujourd’hui des renseignemens que cette lettre, dont elle avait voulu que je prisse lecture, vous donnait avec détail.

Vous savez à quelles conditions mon mari avait voulu l’emmener ici. Bien que voyageant pour son compte, elle avait repris auprès de nous son service habituel, et nous nous réservions in petto le