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sérieusement question d’en dénoncer la rupture ou seulement d’en modifier les articles essentiels. Il y a plus, il a satisfait le sentiment de ceux qui n’ont point le temps de réfléchir beaucoup sur ces matières. Même en dehors de l’immense majorité de notre clergé français et de la totalité de nos fonctionnaires publics, qui ne comprennent guère une autre manière de régler les rapports du pouvoir civil avec l’autorité spirituelle ; le concordat est demeuré populaire parmi les masses. Chose plus étrange encore, il n’est pas moins bien accueilli, il est surtout incessamment invoqué par ce groupe de libres penseurs mal disposés pour la cour de Rome, mais qui professent en revanche une grande ferveur de culte pour l’omnipotence de l’état.

Nous ne partageons pas tout à fait, sans vouloir d’ailleurs en médire, cet engouement pour l’œuvre du cardinal Consalvi et du premier consul. Elle a été certainement utile au rétablissement de la religion catholique ; nous avons pour cette religion la fierté de croire qu’elle ne lui était pas indispensable. Non, mille fois non, quoi qu’en aient dit alors les plates harangues des adulateurs de tous les camps et de tous les étages, l’ancienne foi n’avait pas si entièrement disparu pendant la tourmente révolutionnaire, et ce n’est pas le vainqueur de Marengo qui, du jour au lendemain, d’un mot de sa bouche victorieuse, a fait surgir de terre les autels renversés. De pieuses mains les avaient déjà relevés avant lui. Répétons-le bien haut à ce clergé catholique qui oublie trop complaisamment son meilleur titre de gloire pour en laisser l’honneur à un autre, c’est lui qui fut le premier à la besogne. La généreuse ardeur de quelques simples prêtres avait devancé les calculs du plus profond des politiques. Par leur zèle, les églises de Paris et des départemens s’étaient ouvertes à de nombreux fidèles longtemps avant que le chef de l’état eût songé à mettre le pied à Notre-Dame. Il n’avait pas encore offert sa protection que, sans l’attendre, le vieux culte renaissait de lui-même, par ses propres forces, et dans des conditions selon nous beaucoup plus conformes à l’esprit véritable comme aux intérêts bien entendus du christianisme[1]. A considérer froidement la transaction de 1801, il est facile en effet d’apercevoir tout ce qu’y a gagné le pouvoir civil. Celui qui à cette époque le représentait avec un éclat incomparable s’y est incontestablement attribué la part du lion. Les bénéfices que l’église s’y est ménagés nous semblent plus douteux. Elle y a fait, il est vrai, reconnaître son existence officielle ; elle y a stipulé pour ses

  1. Il résulte des statistiques officielles du temps qu’au moment du concordat le culte catholique était rétabli dans 40,000 communes de France.