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eux l’apogée du système. Ils ne se fatiguent point d’en remettre incessamment le tableau sous nos yeux comme celui d’une époque idéale qu’ils nous offrent en modèle. Fermons cependant l’oreille à leurs déclamations ; les plus éloquentes ne prouvent rien. Écartons également les relations officielles ; la teneur en est souvent trop mensongère. Consultons au contraire les documens secrets du temps, écoutons les confidences des acteurs, et nous aurons chance de savoir comment les choses se sont effectivement passées pendant cette période si vantée.


I

Le concordat avait été signé au domicile de Joseph Bonaparte dans la nuit du 16 au 17 juillet 1801. Ainsi que nous l’avons déjà raconté, le premier consul avait été ou fait semblant d’être très mécontent de la conduite de son frère. Il avait commencé par déchirer en mille pièces la minute même du traité. Il s’était plaint que ses propres mandataires eussent osé prendre sur eux de changer quelque chose à l’article si violemment controversé qui, à propos de l’exercice public du culte catholique, avait failli tout remettre en question. Cependant il avait fini par se calmer et par accepter la nouvelle rédaction. Avant de quitter Paris, le cardinal Consalvi crut devoir solliciter une audience du chef de la république, afin de lui présenter ses hommages. L’accueil fut courtois, mais rien de plus. On se félicita de part et d’autre de la conclusion d’un traité qui assurerait le rétablissement de la religion en France et de la bonne harmonie entre le nouveau gouvernement et le saint-siège. Consalvi ne manqua point de placer pendant le cours de l’entretien une observation à laquelle il attachait personnellement une grande importance. Il constata, comme c’était son droit et la vérité, « que durant tout le cours de cette épineuse négociation, ni à Paris ni à Rome, ni avant ni après sa venue, l’église romaine n’avait jamais prononcé une parole au sujet de ses intérêts temporels. Sa sainteté, fit-il remarquer, quoiqu’elle eût tant de sujets d’en parler, s’en était abstenue, afin de mettre les concessions et les sacrifices faits dans le concordat à l’abri de l’accusation des méchans, et de prouver à la France et au monde que la vue du bien de la religion avait seule porté le saint-père à conclure le concordat, et que l’on calomniait la cour de Rome quand on la disait poussée surtout par des motifs temporels[1]. » Le cardinal termina l’entrevue en annonçant son prochain départ dans deux ou trois jours ;

  1. Mémoires du cardinal Consalvi.