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le traité[1]. Ces deux points lui tenaient à cœur ; c’est pourquoi il voulut essayer de les obtenir à l’improviste du cardinal, et dans le quart d’heure même qui précéderait son départ. Le secrétaire d’état de Pie VII ne s’occupait plus que de faire ses paquets, il était presque au moment de monter en voiture, quand tout à coup parut l’abbé Bernier. L’abbé, messager ordinaire de Napoléon auprès de Consalvi, était chargé de lui faire comprendre que le premier consul voulait absolument qu’on se concertât à l’avance sur la teneur de la bulle que le pape enverrait de Rome. On avait déjà parlé de cette bulle dans les séances où l’on avait discuté le projet de concordat. Il avait été décidé que plusieurs choses dont le premier consul ne voulait pas permettre l’insertion dans l’acte final, parce que étant deux, disait-il, lui et le pape, qui parlaient dans le concordat, il ne lui convenait pas de les mentionner, ces mêmes choses pourraient sans les mêmes inconvéniens être insérées dans la bulle où le pape parlait seul. Aujourd’hui, après y avoir réfléchi, il demandait à connaître préalablement la substance même de la bulle ainsi que les expressions qu’on y emploirait. En vain le cardinal se plaignit de cette façon d’agir toujours par surprise, en vain il offrit de prouver qu’il n’avait pas été autorisé à libeller la bulle, mais autorisé seulement à signer le concordat : l’abbé Bernier n’en démordit pas, alléguant toujours pour raison principale que c’était la volonté du premier consul et qu’il fallait s’y prêter. On mit donc la main à l’œuvre, et le travail dura huit heures consécutives. « Si l’on avait eu dessein, continue le cardinal, en me prenant dans ce moment de presse, d’éviter l’insertion des choses qui déplaisaient, on n’y réussit guère, car je tins ferme pour intercaler dans la bulle tout ce qui était nécessaire. » Quand tout fut fini, l’abbé Bernier insista de nouveau pour qu’on envoyât le plus tôt possible la ratification du pape au concordat, l’intention la plus positive du premier consul étant de le publier aussitôt que la ratification serait arrivée à Paris, car l’intérêt de la religion et de l’état ne permettait pas le plus léger retard. Quelques heures après, Consalvi, montant en voiture, retournait le plus diligemment possible reprendre à Rome ses fonctions de secrétaire d’état.

Malgré les incidens qui avaient troublé les derniers momens de son séjour à Paris, le ministre du saint-siège n’en revenait pas moins satisfait de l’ensemble de ses relations avec le chef du nouveau gouvernement français, et justement fier du résultat de sa mission. Pie VII partageait les sentimens de son serviteur et de son

  1. Lettres du premier consul à son frère Joseph Bonaparte, 1er thermidor an IX (juillet 1801). — Correspondance de Napoléon Ier, t. VII, p. 199.