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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/358

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il s’était proposé pour règle de conduite d’user à l’égard du premier consul de toute la complaisance possible. Si en définitive, par suite des difficultés encore subsistantes, le concordat ne devait pas être publié, il fallait à toute force éviter au moins que les ennemis de la religion pussent en rejeter la faute sur la cour de Rome. Cette dernière considération détermina plus que toute autre non-seulement l’envoi immédiat à Paris du légat réclamé par le premier consul, mais le choix même du cardinal appelé à remplir une aussi haute mission. L’importance du rôle joué par le cardinal Caprara, l’influence que ses dispositions personnelles et les tendances de son esprit ont exercée sur la direction des affaires confiées à ses soins, ont été si grandes qu’il devient nécessaire de nous arrêter un instant sur ce personnage considérable dont la correspondance officielle et secrète va désormais servir à corroborer notre récit[1].

Laissée à elle-même, jamais la cour de Rome n’aurait de son propre mouvement pensé à Caprara. La désignation venait de Paris. Pendant la durée de la mission de Consalvi, le premier consul lui avait répété à plusieurs reprises qu’il exigeait absolument la nomination de ce cardinal, le seul qui pût, dit-il, lui agréer, à moins qu’on ne se décidât en faveur du cardinal Joseph Doria. L’incapacité de ce dernier ayant été rendue notoire par son court ministère de 1797, le pape n’avait pas même l’alternative, et force était de nommer Caprara. La préférence du premier consul était, à son point de vue, parfaitement justifiée, et prouvait qu’il connaissait très bien, probablement par M. de Cobenzel, le caractère et les antécédens du nouveau légat. Rome de son côté n’était pas moins fondée dans ses justes appréhensions. Le cardinal Caprara n’en était pas en effet à ses débuts dans la vie politique. Né à Bologne en 1733 de François, comte de Montecuculli, et de la dernière descendante des Caprara, il avait pris dans le monde le nom de sa famille maternelle, mais n’en appartenait pas moins à cette puissante maison de

  1. Les minutes de la correspondance du cardinal Caprara ne sont point sorties de France. Suivant un ancien usage auquel le parlement de Paris avait, sous l’ancien régime, toujours tenu la main, les légats à latere envoyés en France s’engageaient par serment, au moment de leur réception officielle, à laisser, en quittant le royaume, le registre exactement tenu au courant de toutes les dépêches écrites pendant la durée de leur mission. On avait, comme nous le verrons plus tard dans le cours de ce récit, obligé le cardinal Caprara, lors de sa présentation au premier consul, à lire l’ancienne formule telle qu’elle était autrefois en usage. En vertu de cet engagement, l’empereur, lorsque le cardinal mourut à Paris en 1810, fit inventorier et saisir tous ses papiers. Depuis cette époque, et principalement sous la restauration, le Vatican les a plusieurs fois, mais vainement réclamés.