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les occasions de frapper l’imagination des masses, il lui semblait maintenant que le jour de Pâques serait heureusement choisi pour fêter avec éclat la paix religieuse conclue avec le saint-siège ; mais Pâques était loin encore : c’est pourquoi Napoléon, tout à l’heure si pressé, ne l’était plus du tout. Lors donc qu’on reçut à Paris, avec la bulle de circonscription des diocèses, le bref qui autorisait le légat à instituer canoniquement les nouveaux évêques, les rôles se trouvèrent tout à coup intervertis ; ce fut le tour de Caprara de se plaindre, bien doucement il est vrai, des hésitations et des lenteurs du premier consul. Cette situation s’étant prolongée sans grand changement pendant cinq ou six mois encore, nous en profiterons pour étudier d’un peu près la nature exacte des affaires qui restaient alors à traiter entre le premier consul et le représentant du saint-siège.


II

Les instructions que le cardinal Caprara avait emportées de Rome roulaient sur deux points principaux. Le premier, dont nous avons déjà dit un mot, regardait exclusivement la religion et touchait à la conscience même de sa sainteté par ses fibres les plus délicates : c’était la nomination des évêques constitutionnels. Le pape ne prétendait pas avoir le droit d’empêcher le premier consul d’en nommer aucun. Il soutenait seulement que de pareils choix, extrêmement fâcheux en eux-mêmes, loin d’être un gage de paix, sèmeraient le trouble et la discorde parmi le clergé français. Son représentant était donc chargé d’insister avec la plus vive sollicitude auprès du premier consul pour qu’il s’abstînt de choisir des sujets dont la nomination serait un grand scandale pour l’église et causerait au saint-père une indicible douleur. Si l’on devait passer outre, le légat avait mission expresse de déclarer que le pape se montrerait très scrupuleux dans l’examen canonique des sujets proposés, et qu’aucun d’eux ne pourrait être consacré avant d’avoir publiquement confessé ses erreurs et accepté les jugemens de l’église catholique sur la constitution civile du clergé. — Le second point était d’une autre nature et d’un intérêt purement temporel. Il avait trait à la restitution des domaines enlevés au saint-siège par les derniers événemens de la guerre. Ainsi que nous l’avons dit au commencement de cette étude, Consalvi, lors des négociations du concordat, avait intentionnellement laissé de côté la question des réclamations territoriales de la cour de Rome. Ce n’est pas qu’elles ne fussent à ses yeux et à ceux du saint-père d’une très grave