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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/382

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Une heure seulement avant l’audience, M. Portalis lui avait apporté avec le cérémonial à observer une pièce en langue latine que le cardinal avait absolument refusé de signer, mais qu’il avait consenti à lire à l’audience pour obtenir, dit-il, la tranquillité, et parce qu’elle lui semblait ne rien contenir qui ne fût déjà ou à peu près dans le compliment dont on lui avait demandé communication et qu’il allait adresser au chef de l’état. A ce compliment, plein de déférence et d’éloges pour lui, Napoléon répondit par quelques mots brefs et presque impérieux sur les devoirs du nouveau légat, qui devait puiser dans l’Évangile les règles de sa conduite. Parlant du concordat, il se bornait à dire que « le concert établi entre sa sainteté et lui serait un sujet de triomphe pour la religion chrétienne, et qu’elle en recevrait de nouvelles félicitations du philosophe éclairé et des véritables amis des hommes. » Ces dernières paroles étaient calculées pour donner satisfaction aux incrédules nombreux dans ses conseils et aux plus rares partisans du théo-philanthrope Lareveillère-Lepeaux. Il fallait contenter aussi les gallicans et les jansénistes. Pour leur complaire, le Moniteur inséra le lendemain dans sa partie officielle la teneur du serment que le légat était censé avoir prononcé et signé[1]. Rien n’était moins vrai. Lorsque le légat réclama, il lui fut répondu « qu’il ne fallait pas s’arrêter à de pareilles choses qui n’avaient aucune valeur par elles-mêmes… On avait pris copie sur les registres des anciens parlemens de ce qui se passait autrefois. Cela ne tirait pas à conséquence. » Le légat répliqua qu’on rendrait les disputes interminables, si l’on publiait ce que dictait la fantaisie sans se soucier si cela était conforme ou non à la vérité des faits. Il n’insista pas d’ailleurs sur la rectification au Moniteur[2].

Le dimanche suivant, jour des Rameaux, le cardinal Caprara institua canoniquement à Notre-Dame, rendue depuis trois jours au culte catholique, Mgr du Belloy, nommé à l’archevêché de Paris ; Mgr Cambacérès, frère du conventionnel, nommé à l’archevêché de Rouen ; MM. Bernier et de Pancemont, nommés l’un à Orléans, l’autre à Vannes. Il était non moins satisfait de la cérémonie, qui avait eu lieu avec grande pompe, que de l’excellence des sujets qu’il venait de consacrer. « Plût à Dieu, écrivait-il à sa cour, que tous ceux qui restent à nommer fussent entièrement semblables ! » Le lendemain, il apprenait la nomination de vingt-deux nouveaux évêques parmi lesquels sept constitutionnels. Il en fut consterné. « J’ai aussitôt réclamé auprès du premier consul ; j’ai parlé, j’ai fait

  1. Moniteur du 20 germinal an X, p. 805.
  2. Correspondance du cardinal Caprara, 18 avril 1802.