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absolument vierges d’hostilités ou de persécutions ; » au moins n’y a-t-il eu à y inscrire jusqu’ici le nom d’aucun martyr de la foi. Plusieurs raisons ont contribué à cet état de choses, le sincère et profond attachement des Siamois pout la religion de leurs ancêtres, la persistante influence qu’assure aux bonzes le monopole de l’éducation de la jeunesse, une défiance instinctive de tout ce qui vient de l’étranger, et aussi, il faut bien le dire, la marche souvent peu rationnelle suivie dans l’œuvre de conversion par les missionnaires. Leur enseignement est trop exclusif, trop tourné vers le dogme surtout ; aussi leurs échecs ont-ils été dus plus d’une fois à l’imprudence avec laquelle ils débutaient par l’exposition des mystères les plus ardus du catholicisme. Moins absolus, ils eussent été plus écoutés, et il eût été d’une meilleure tactique, au lieu de condamner sans réserve la doctrine qu’ils combattaient de reconnaître loyalement ce qu’elle a de beau et de bon, le culte des ancêtres, l’horreur du sang, le respect de ce qui a vie. Il fallait rendre hommage aux grandes qualités de Çakya-Mouni, à sa sainteté même, et, plutôt que de tourner en ridicule la métempsycose bouddhique, il fallait de là conclure à l’immortalité de l’âme. Nulle faute, en un mot, ne pouvait être plus capitale que de faire table rase ; il est fâcheux qu’on ne l’ait point voulu comprendre.