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laisse pas de s’accuser un peu trop dans leur livre, elle a cet avantage d’y introduire un enseignement fondé sur des preuves et de substituer, en face des questions obscures, l’examen direct et l’analyse à la méthode dédaigneuse ou aux procédés superficiel adoptés par la plupart des écrivains intérieurs.

A n’envisager que le côté essentiel des événemens et des progrès, on ne risquera donc pas de partager une erreur en se conformant à l’opinion commune qui fait des dernières années du XIIIe siècle le point de départ de la renaissance italienne et du nom de Cimabue le signe principal de ce mouvement. Les origines de la peinture moderne remontent en effet à cette époque, mais il ne suit pas de là que, depuis l’antiquité, l’art ait cessé d’exister en Italie ; il ne s’ensuit pas que tout soit à mépriser dans les anciens monumens de la peinture chrétienne, dans ces œuvres, expressives à leur manière, que l’école dite byzantine multipliait sur les murs des basilique ou sur le vélin des manuscrits. A une époque plus reculée encore, avant le temps où le christianisme, entrant en possession légale des édifices de Rome païenne, en sanctifie les voûtes au grand jour par les scènes religieuses figurées sur le champ d’or des mosaïques, les pinceaux qui décorent en secret les catacombes consacrent à la fois les préceptes de la loi nouvelle et le programme pittoresque conforme à cette loi. On connaît, au moins par les reproductions publiées en France il y a quelques années, les peintures qui ornent les cimetières de Sainte-Agnès, de Saint-Calixte, tant d’autres parties de la Rome souterraine. Ne faut-il voir dans ces reliques des premiers âges chrétiens que les rudes essais d’un art impuissant à se définir, et se parant, faute de mieux, d’une sorte d’orgueilleuse ignorance ? Ou bien les peintres des catacombes ne sont-ils, ainsi qu’on l’a prétendu, que les imitateurs maladroits de la manière antique, les continuateurs de certaines formules dont ils songent seulement à détourner le sens, et qu’ils approprient tant bien que mal à l’interprétation des livres saints, comme ils s’en seraient servis naguère pour traduire la mythologie ?

De ces deux opinions, ni l’une ni l’autre ne serait rigoureusement exacte. Il est certain qu’au point de vue de la correction matérielle et de la vraisemblance, les scènes représentées sur les murs des catacombes accusent en général chez ceux qui les ont peintes plus d’inexpérience confiante, plus de naïve supercherie que d’habileté ; il est certain aussi qu’en bien des occasions le besoin d’innover se concilie ou se confond avec un respect traditionnel pour de vieilles habitudes, et que, par un mélange singulier au premier aspect, les décorateurs de ces hypogées chrétiens utilisent quelquefois sans scrupule les procédés d’ornementation profane, les types même