Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit les plis intérieurs des draperies, voilà ce qui suffit aux artistes chrétiens des premiers siècles pour représenter les formes du corps ou les détails de la nature inanimée. En revanche, avec quel soin pieux, avec quelle ardente bonne foi ne s’appliquent-ils pas à traduire sur le visage les secrets des profondeurs de l’âme, à rendre la prière et l’adoration du cœur visibles sur ces fronts enivrés de ferveur, sur ces lèvres qui frémissent d’amour en parlant à Dieu, dans ces regards surtout qui se détournent de la terre pour s’emparer du ciel et interroger l’infini !

Ainsi, malgré ce qui survit et se continue des traditions antiques dans l’ordonnance des scènes ou dans les parties purement décoratives, les peintures des catacombes ont leur physionomie propre, leur originalité ; malgré l’insuffisance ou les incorrections du dessin, elles tendent à un perfectionnement de l’art en ce sens qu’elles en élèvent le niveau moral et en confirment l’action spiritualiste. C’est là ce qui en constitue le mérite, c’est par là qu’elles commandent l’étude et le respect. Elles en sont dignes encore à un autre titre, car elles marquent un moment d’inspiration sincère, — un temps d’arrêt dans la décadence, entre l’époque déshonorée qui s’ouvre pour le vieil art romain avec le règne de Commode et la période stérilement féconde, stationnaire dans l’imitation des exemples importés de l’Orient, qui, depuis les premiers successeurs de Constantin jusqu’au XIIIe siècle, représentera en Italie la vie de la peinture chrétienne. Plus d’autre ambition alors chez les artistes que celle de reproduire, comme autrefois les Égyptiens, d’invariables formules hiératiques ; plus d’efforts en dehors de certaines règles conventionnelles établies et acceptées une fois pour toutes. Au lieu de la naïve éloquence des débuts, la peinture, à mesure que les années et les siècles se succéderont, n’aura qu’un langage d’emprunt, un style appris, artificiel, mécanique, si bien que, jusqu’au jour où elle commence à se régénérer sous les pinceaux des artistes toscans, elle semble réduite à l’état d’un simple moyen industriel. L’art ne consiste plus que dans la combinaison et l’enchâssement de petits cubes en pierre ou en verre ; les peintres ne sont plus que des mosaïstes, et de même que les couleurs naturelles des matériaux donnés dispensent ceux qui les emploient de faire par eux-mêmes acte de coloristes, le programme symbolique dont il s’agit simplement de transcrire les termes interdit ou épargne à chacun les tentatives en vue d’une représentation plus expressive où plus vraisemblable, d’un progrès, quel qu’il soit, de l’imagination, de la science ou du goût.

Et cependant quelles espérances cet art de la mosaïque ne paraît-il pas autoriser d’abord ! Avec quelle simplicité robuste, avec