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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/431

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imagiers, et lorsque plus tard des artistes comme Orgagna se rencontreront pour manier à tour de rôle l’ébauchoir et le ciseau, la science dont ils feront preuve ne s’accusera ni avec la même aisance, ni avec la même autorité dans l’une et l’autre série de leurs travaux. Si hautement inspiré par exemple que se montre le peintre du Triomphe de la Mort au Campo-Santo de Pise, il n’a pas là au service de sa pensée des ressources d’exécution et des connaissances techniques légales à celles dont il disposera en sculptant le Tabernacle d’Or-San-Michele. Faut-il conclure de pareils faits que la sculpture est un art moins difficile à bien pratiquer que la peinture ? La multiplicité des conditions imposées à celle-ci lu crée-t-elle, quand elles sont remplies, une prééminence et des titres qu’on ne saurait reconnaître à sa ravale ? Peut-être. Le souvenir de ces faits servira du moins d’explication ou d’excuse pour le cas particulier dont il s’agit, en étant à la marche quelque peu en retard de la peinture italienne au XIIIe siècle l’apparence d’une anomalie.

Rien de moins languissant au fond, rien de plus énergique en soi-même que ce réveil d’un art engourdi depuis si longtemps dans le dogmatisme byzantin. Je me trompe : il y a peut-être quelque chose de plus animé, de plus imprévu que cette activité subite et ces premiers efforts du talent, ce sont les controverses auxquelles ils ont parfois donné lieu. Tant que Vasari fut la seule autorité historique à invoquer, Toscans ou mon, il fallut bien que tous les Italiens se résignassent à saluer dans Cimabue le fondateur de l’école nationale et dans Florence le berceau de la peinture ; mais la partialité ou les erreurs du biographe une fois dénoncées par d’autres écrivains, ce fut à qui détournerait le plus résolûment sur sa ville natale et sur quelqu’un de ses compatriotes l’honneur dont on entendait déposséder la patrie de Cimabue et le nom de celui-ci. Tandis que la cause de Bologne trouvait dans Malvasia un avocat passionné jusqu’à l’emportement, le Napolitain Dominici, le Vénitien Ridolfi, plaidaient chacun une cause contraire avec le même zèle patriotique, avec la même indignation contre les « ruses » de Vasari pour escamoter au profit de la Toscane les conquêtes et la gloire d’autrui. En Toscane même, dans notre siècle, l’accord ne fut pas d’abord mieux en voie de se faire, et, à en juger par les plus récentes publications, il ne paraît pas encore très prochain. Les écrivains nés sur l’ancien territoire toscan sont unanimes, il est vrai, pour réfuter les thèses soutenues ailleurs en faveur d’autres provinces ; mais s’agit-il de choisir entre les villes et les hommes de leur propre pays, l’entente cesse, et de même qu’en sa qualité de Pisan M. Rosini essayait, il y a trente ans, d’installer Giunta de Pise à cette place où les Florentins s’obstinaient