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l’impératrice Charlotte quand elle vit la solitude faite à l’approche de la famille impériale posant le pied sur le sol mexicain. Le présage était triste ; jusqu’à la Soledad, les seules compagnes de l’auguste voyageuse furent la femme et la fille du commandant supérieur français de Vera-Cruz. Au sortir des terres chaudes, le nouvel empereur dut concevoir des espérances meilleures. Tout un peuple d’Indiens réellement enthousiastes accourut des états voisins et lui fit un splendide cortège jusqu’à Mexico. C’était là le vrai peuple sur lequel il fallait, s’appuyer. Par malheur des influences fâcheuses ne tardèrent pas à dominer au palais et le souverain fut plein d’hésitation au moment le plus décisif, à l’heure où il inaugurait son règne. Le nouvel élu avait cette rare bonne fortune, qu’en montant sur le trône il était libre d’engagemens vis-à-vis des cléricaux comme vis-à-vis des libéraux ; de plus le général Bazaine avait rendu sa tâche facile en préparant l’opinion publique à voir valider définitivement par l’empereur la vente des biens du clergé ; c’était là l’origine et la vraie cause du débat sanglant qui divisait les esprits. Maximilien n’avait donc qu’à se recueillir, à juger les hommes et les choses, et après mûr examen, sans écouter les passions, les rancunes ou les espérances soulevées par la cour de Rome, à se prononcer. Le Mexique attendait avec anxiété le manifeste impérial : quand le document si désiré eut paru, personne n’en fut satisfait. Au lieu de se mettre franchement à la tête de l’un ou de l’autre parti, poussé par un désir de conciliation qui ne convenait ni au tempérament du peuple mexicain, ni aux circonstances, l’empereur avait craint de trancher du premier coup la question des biens religieux. Il avait cru gagner du temps en ménageant le clergé sans couloir décourager les libéraux ; mais le maintien du statu quo tenait tous les intérêt en suspens et arrêtait les transactions, entravées déjà depuis tant d’années. La masse était prête à se jeter dans les bras du souverain, s’il eût fait preuve d’énergie. Cette hésitation porta un coup funeste au prestige monarchique. Les chefs libéraux, qui attendaient quelques gages sérieux avant de se rattacher au pouvoir, s’éloignèrent ; le clergé, travaillé par l’archevêque de Mexico, Mgr de La Bastida, récemment arrivé de Rome, et dont toute la finesse avait échoué devant le sang-froid du général Bazaine, se détacha sourdement de l’empereur et sema dans l’ombre, au milieu des Indiens, des germes de désaffection pour le chef du pays. Ces manœuvres eussent échoué, si le gouvernement eût osé, pour contre-balancer l’influence du clergé et des métis, décréter une mesure essentiellement libérale, l’émancipation de la race indienne, qui forme la seule force vive du Mexique : là encore on eut recours aux demi-mesures, les peones restèrent en servage