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Mexique tel qu’il est constitué. Il faut donc se résigner à un sacrifice momentané, mais intelligent. L’empereur d’Autriche vient de donner à son frère un salutaire exemple ; nous-mêmes nous venons d’appliquer en Algérie le système des différentes zones. Au lieu d’user ses forces et ses finances dans le vide, Maximilien doit les concentrer. Il faut se créer une nouvelle frontière, une nouvelle ligne de douanes, réduire l’étendue du territoire à défendre.

Les dix-neufs états du Mexique se répartissent de la façon suivante : trois états au sud formant une pointe détachée, s’avançant dans le golfe et la mer des Antilles, pauvres, à peine habités, très malsains, et sans voies de communication[1] ; — onze états au centre, les plus riches et les plus peuplés, assis sur le golfe et sur le Pacifique, touchant aux États-Unis, arrosés par les plus grands fleuves du Mexique, et renfermant presque toutes les mines[2] ; — cinq états à l’extrémité ouest et nord, dépeuplés, véritables déserts, sans eau, désolés par les incursions des Apaches (il faut en excepter les richesses de la Sonora, qui pourtant ne compensent pas les dépenses)[3].

Jusqu’à des temps plus prospères, sans abandonner aucun de ses droits, il faut à notre avis se concentrer dans les onze états du centre, laisser provisoirement à leur propre direction le petit groupe des trois états du sud et les cinq états situés à l’extrême ouest et nord. Mexico ne peut rien pour ces régions lointaines ; c’est à leurs habitans de s’organiser, de se défendre, de réveiller leur propre énergie, s’ils veulent conserver un lien avec la mère-patrie. Quand la pacification de l’empire, tel que nous le concevons avec ses nouvelles limites, sera complète, les groupes isolés demanderont d’eux-mêmes à rentrer dans le giron commun, où alors ils pourront trouver assistance. Ce n’est pas par les armes qu’ils peuvent être conquis, c’est par l’influence du bien-être et de la sécurité dont ils verront jouir les états du centre. Si les provinces délaissées se détachent définitivement de la couronne, qui aura été impuissante à les couvrir, l’empereur n’aura pas le remords d’avoir vendu une seule parcelle de terrain, comme l’ont fait les présidens de la république. D’ailleurs, il ne faut pas s’y méprendre, ces huit états subissent déjà une loi d’attraction défavorable au Mexique, et la résistance qui ne cesse de s’y manifester en est une preuve. A quoi bon ces expéditions ruineuses qui n’ont qu’un résultat, celui de compromettre les habitans, qu’on est obligé d’abandonner à peine entré

  1. Yucatan, Tabasco, Chiapas.
  2. Vera-Cruz, Tamaulipas, Oajaca, Puebla, San-Luis, Nuovo-Léon, Mexico, Michoacan, Guanajuato, Guadalajara, Zacatecas.
  3. Durango, Cohahuila, Chihuahua, Sonora et Cinaloa.