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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/478

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Haut-Adige. Napoléon, qui ne s’inquiétait guère de l’indépendance des peuples, qui les maniait et les pétrissait de sa main victorieuse, se préoccupait un peu plus de leur organisation, de la sûreté des états qu’il créait, et c’est ainsi qu’une commission étudiait avec le plus grand soin et fixait les limites du nouveau royaume. Ces limites, qui du côté du Frioul et des Alpes carniques allaient jusqu’à l’Isonzo et au passage du Tarvis, atteignaient du côté du Haut-Adige le Tyrol et l’Allemagne ; elles couraient des hauteurs de Cadore au mont Stelvio ; elles répondaient en un mot à cette pensée exprimée par le prince Eugène dans une lettre à Napoléon : « La seule limite militaire à établir est la limite tracée par la nature même sur les sommets des montagnes où se séparent les eaux de la Mer-Noire et celles de l’Adriatique. »

Cinq ans étaient à peine écoulés que tout avait disparu, et que l’Autriche rentrait dans le Trentin avec son droit de possession éphémère de 1802. Déjà, dans la première période de sa domination, elle avait essayé de rattacher le versant méridional au vieux Tyrol du nord ; plus que jamais, après 1815, elle reprenait cette assimilation. C’est alors que surgissait cette expression de Tyrol italien. Entre les deux provinces du nord et du midi des Alpes, tout devenait commun, lois, diète provinciale, administration. Une patente impériale de 1816 révélait la pensée autrichienne avant que l’introduction du Trentin dans la confédération germanique en 1818 vînt couronner cette tentative de dénationalisation. « L’Autriche, a écrit le comte Festi, voulait à tout prix germaniser le Trentin ; elle y envoya des employés allemands pour le gouverner, elle ordonna l’ouverture d’une école de langue allemande publique et obligatoire. C’est à Inspruck que les jeunes gens destinés aux carrières publiques devaient aller achever leurs études. C’est d’Inspruk que venaient les lois expédiées en langue étrangère. A la frontière du Trentin, du côté de Vérone, il y avait un droit sur les grains importés du Vénitien, et ce droit était supprimé du côté de la Bavière. Des évêques allemands, des prêtres allemands, des professeurs allemands, l’Autriche n’a rien omis… »

C’est l’éternel procédé de toutes les dominations ; mais ce qu’il faut remarquer, c’est que l’histoire de ce petit pays n’est qu’une longue et patiente résistance depuis 1815 jusqu’à l’année 1848, où les représentans de Trente allaient protester dans les assemblées autrichiennes contre cette assimilation, jusqu’à l’année 1863, où les députés nommés à la diète provinciale d’Inspruck protestaient encore et refusaient d’aller prendre part aux travaux de l’assemblée tyrolienne. Les uns et les autres ne déclinaient pas la suzeraineté impériale, ils ne le pouvaient légalement : ils résistaient à la