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c’est un règlement de compte de la victoire qui allait tout seul. La discussion de la loi sur le parlement fédéral ne fait encore que piquer notre curiosité sur les destinées futures de cette représentation fédérale qui va se superposer au mécanisme constitutionnel de la Prusse. Ce parlement émanera du suffrage universel, les provinces annexées y seront représentées, les souverainetés indépendantes conservées dans la confédération, nouvelle y auront aussi des représentans. Tout cela ne sera pas simple. Les prétentions prussiennes peuvent d’ailleurs ça et là se heurter a des obstacles. Si le roi de Hollande refuse, comme on le dit, de placer ses possessions allemandes dans les cadres du système prussien, n’y a-t-il pas là en germe une autre question des duchés ? Heureusement ou malheureusement en ce cas la France ne serait pas éloignée de l’objet du litige. Un petit conflit parlementaire curieux comme un objet d’archéologie est la lutte qui s’établit entre la commission de la chambre et le ministère à propos de la demande du crédit extraordinaire de 60 millions de thalers destinés par moitié à solder les frais de guerre et à constituer l’ancienne réserve de la couronne de Prusse. La commission ne veut donner que la moitié du crédit, ce qu’il faut pour payer les dépenses de guerre ; elle refuse de reconstituer la réserve. Cette réserve est un morceau intéressant de curiosité historique ; c’est au trésor lentement amassé par le bizarre Frédéric-Guillaume Ier que son fils, le grand Frédéric II, attribue principalement Les premiers succès de son règne et la conquête de la Silésie. Dans cette première moitié du XVIIIe siècle, la possession d’un trésor de cette importance assurait à un souverain une grande supériorité sur ses adversaires ; elle lui donnait le nerf de la guerre. Depuis ce temps, la conservation d’un trésor a toujours été regardée à Berlin comme un élément essentiel de la grandeur prussienne. Avec les facilités de crédit de notre époque, un tel système de thésaurisation n’a plus d’utilité, et ne serait plus dans le cas de la Prusse qu’une superstition puérile. C’est ce que comprend la commission de la chambre populaire ; elle comprend aussi autre chose, elle sait que la couronne, dans une phase de lutte avec l’assemblée qui vote le budget pourrait, pendant un certain temps, au moyen de son trésor défier la chambre et faire prévaloir sa volonté contre une opposition du parlement, il lui parait non-seulement inutile, mais dangereux de laisser une telle arme aux mains de la couronne. C’est le motif de son refus. La chambre soutiendra-t-elle la commission, qui défend sa prérogative essentielle ? se montrera-t-elle aussi coulante que les ministres en ont témoigné l’espérance ? Si elle vote les conclusions de la commission, sera-t-elle frappée de dissolution, comme certains journaux berlinois l’en menacent ? Une dissolution semblable serait un plaisant incident. Nous nous apprêtons ainsi à observer la Prusse dans son travail intérieur, sans lui faire mauvais visage. Il n’est pas probable que la France lui crie : Holà ! tant que le cabinet de Berlin ne portera point ses visées au-delà du Mein.

La paix entre l’Autriche et l’Italie ne tardera certainement point à être