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— par insouciance, il est vrai, et non par culte du passé, — les vestiges de l’ancien temps qui avaient échappé aux ravages des premiers envahisseurs. Par malheur ce qu’il en reste ne suffit pas pour permettre de retrouver toujours les lieux où se passèrent tant de scènes immortelles. En plus d’un point la légende s’est substituée à l’histoire ; la superstition des siècles intermédiaires a consacré de douteux autels. Sauf les derniers actes de l’existence du Christ, il n’est pas un endroit dont on puisse dire avec certitude que le Sauveur s’y est arrêté. Il reste moins de traces encore de David et de Salomon, d’Abraham et de Jacob. Ici l’on a prétendu retrouver le tombeau d’Adam et celui de Melchisédech, ailleurs la pierre sur laquelle Jacob endormi vit en songe l’échelle qui conduisait au ciel ; en réalité les Juifs ignorent eux-mêmes le véritable emplacement du temple de Jérusalem.

Jérusalem est aujourd’hui comme au moyen âge le rendez-vous de nombreux pèlerins appartenant aux diverses communions chrétiennes. Les Grecs et les Russes s’y rencontrent avec les Portugais ; les Anglais y coudoient les Italiens. Prêtres ou laïques, catholiques ou dissidens, tous s’agenouillent dévotement en l’église du Saint-Sépulcre. À côté de ces pieux voyageurs que la ferveur religieuse conduit en Palestine, il est bon nombre d’intrépides érudits qui se proposent de reconstituer au moyen des livres sacrés la géographie de la Terre-Sainte. Nulle étude ne peut être plus attachante que de secouer la poussière d’un passé si vivace et de rechercher, la bible en main, sur le sol de la Judée les traces des grands événemens qui s’y accomplirent. Si les monumens sont en ruines, si les pierres en sont dispersées, la terre est encore ce qu’elle fut autrefois. La Mer-Morte et le lac de Tibériade ont conservé le même niveau ; les montagnes subsistent ; les fontaines et les puits, qui jouent un si grand rôle dans l’histoire sainte, sont autant de repères pour les explorateurs de notre époque. De telles investigations cependant seraient trop souvent interrompues faute de ressources suffisantes, si la munificence des associations ou de riches particuliers ne venaient en aide aux voyageurs isolés. C’est ainsi que l’on a vu il y a quelques années une expédition conduite aux alentours de la Mer-Morte par M. le duc de Luynes, et qu’il s’est formé en Angleterre pour l’exploration de la Palestine une société dont on peut attendre avec confiance les savantes recherches. Ces patientes études préparent aux touristes futurs des guides plus éclairés que les vulgaires cicérones de notre époque. Le plus modeste voyageur peut, s’il est doué d’un esprit critique, concourir pour sa faible part à élucider les problèmes géographiques de la Terre-Sainte. C’est un exemple digne d’être signalé qu’en donne M. Macleod dans le récit de ses excursions en Orient.


H. BLERZY


F. BULOZ