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bout du câble sous-marin, elles étaient traduites en turc, transmises sous cette forme de Fao à Constantinople, reproduites de nouveau en leur langage original dans cette dernière ville. Les Turcs prétendaient en effet qu’il leur était impossible de donner cours à des télégrammes écrits en une langue étrangère. Cependant il fut remédié à cet inconvénient au mois de septembre 1864 par une convention diplomatique en vertu de laquelle l’administration ottomane s’engageait à choisir les employés de cette ligne importante parmi ceux qui connaissent parfaitement l’anglais. En même temps les ingénieurs anglais, peu confians en l’activité des Turcs, s’efforçaient d’ouvrir à leur câble de nouveaux débouchés vers l’Europe. A leur instigation, le shah de Perse entreprenait la construction d’un vaste réseau télégraphique à l’intérieur de ses états. La station maritime de Bushir, où accoste le câble sous-marin, fut reliée à Téhéran par Shiraz et Ispahan. De Téhéran partirent deux autres lignes, l’une aboutissant à Bagdad de façon à éviter par un long détour la contrée turbulente de l’Irak-Arabi, l’autre dirigée sur Tiflis et se rattachant vers Tebriz à l’empire de Russie. Ce fut seulement au mois d’avril 1865 que ces divers travaux furent complétés, et qu’il y eut une communication télégraphique continue entre l’Europe et l’Inde britannique. Certaines dépêches importantes qui franchirent en quelques heures l’immense distance de Calcutta à Londres produisirent un grand effet en Angleterre ; mais le commerce anglais n’y trouva pas la célérité qu’il attendait de ce mode de correspondance. On verra plus loin quelles causes entravent sur cette voie la rapide expédition des télégrammes. Nul document officiel n’a fait connaître avec exactitude la dépense totale de cette vaste entreprise. On estime qu’elle a dû s’élever à 8 ou 10 millions de francs.


II

Ce fut en 1856, au début même de la télégraphie océanique, que de hardis ingénieurs proposèrent d’unir l’Europe à l’Amérique au moyen d’un câble sous-marin. Bien que l’essai fût alors prématuré, car l’industrie des câbles était encore dans l’enfance, le public l’encouragea de ses sympathies, et fournit sans beaucoup d’hésitation le capital de 12 millions qui lui était demandé. L’histoire de cette tentative a déjà été racontée tout au long ; après deux ou trois échecs successifs, la compagnie du télégraphe atlantique réussit, en août 1858, à immerger un fil conducteur entre la côte d’Irlande et celle de Terre-Neuve. Des dépêches furent échangées entre les deux continens pendant vingt et quelques jours ; mais après ce court triomphe le câble transatlantique devint muet. On