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l’immensité de l’océan. Cependant les officiers de marine se faisaient forts de revenir, au moyen d’observations astronomiques, sur la route précise que le Great-Eastern avait parcourue au mois de juillet. C’étaient donc deux câbles et non plus un seul dont il était question pour 1866. Il fallait une nouvelle somme de 15 millions. La compagnie avait épuisé son capital ; la loi ne lui permettait ni de l’augmenter, ni même de se créer des ressources au moyen d’un emprunt. Aussitôt une autre société fut greffée sur l’ancienne, sous le nom de compagnie du télégraphe anglo-américain avec un fonds social de 600,000 livres sterling, divisé en 60,000 actions. Dès les premiers jours, avant qu’aucun appel eût été fait à la publicité, près de la moitié de la somme était souscrite. Ces nouvelles actions devaient recevoir, par antériorité sur les précédentes, un revenu de 25 pour 100 par an, sans compter moitié dans les bénéfices après que l’intérêt des autres actions aurait été servi. En s’appuyant sur les résultats de vitesse de transmission obtenue pendant la mise à l’eau du câble pour les dépêches échangées entre la terre et le navire, on estimait que le capital de cette seconde compagnie recevrait un revenu de 50 pour 100, au moins, au cas où un seul câble réussirait, et de 95 pour 100 si les deux conducteurs projetés étaient mis en état de servir à la correspondance. Malgré ce lourd sacrifice en faveur des nouveaux souscripteurs, on ne se croyait pas moins certain de dédommager les anciens des pertes énormes qu’ils avaient éprouvées jusqu’alors. A dire vrai, je trouve que, s’il fut jamais permis de taxer de folie et d’imprudence ceux qui risquèrent des sommes importantes en une pareille spéculation, c’est tout à fait au début que le reproche pouvait leur en être fait. A mesure que l’affaire avançait, il y avait des motifs de ressentir plus de confiance et de montrer plus de hardiesse. La veine avait été contraire, mais le jeu s’améliorait ; ce qui vaut mieux encore, les joueurs avaient acquis de l’expérience.

Le second câble dont il avait été question fut en effet fabriqué pendant l’hiver qui vient de s’écouler. Au printemps, il était enroulé dans les immenses cuves du Great-Eastern, et ce bâtiment partait le jeudi 12 juillet du havre de Berehaven, où il avait complété son approvisionnement de charbon et embarqué des vivres pour une campagne de quelques semaines. On savait que le câble de 1865 paraissait, d’après les essais faits à Valentia pendant tout l’hiver avec beaucoup de régularité, s’être conservé intact depuis le malheureux jour où il s’était perdu en plein océan. Déjà aussi le shore-end du nouveau câble avait été immergé jusqu’à 50 kilomètres de la côte par le William-Cory, un bateau à vapeur bien connu par les nombreuses opérations télégraphiques auxquelles il a contribué. Une bouée mouillée à l’extrémité de ce shore-end