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LE
RACHAT DE JANE

PREMIERE PARTIE

Les pages qu’on va lire n’ont que les dehors d’une fiction. Elles se composent en fait de réalités strictement, rigoureusement authentiques, et par là se recommandent aux esprits sérieux, aux lecteurs de bonne foi. Le sort a voulu qu’elles fussent datées de prison, bien qu’elles émanent d’une personne libre. Un autre hasard non moins singulier devait faire que le révérend missionnaire à qui elles étaient adressées ne les a jamais reçues, et cela par une raison très simple, c’est qu’elles ne lui furent jamais envoyées. L’obstacle vint, nous croyons le savoir, de certains scrupules sur la nature desquels, après les avoir lues, on sera complètement édifié. Il s’écrit ainsi chaque jour beaucoup de lettres qu’on supprime, tantôt parce qu’elles expriment un sentiment qui veut garder ses voiles, tantôt parce qu’elles accusent des reliefs de caractère, des emportemens d’imagination, des faiblesses, des naïvetés, qu’on ne se soucie pas de livrer aux sarcasmes d’une raison hautaine, d’une rectitude inflexible. Il est probable ou du moins il est fort possible que la correspondance en question se fût arrêtée court, si une première réponse, froide et railleuse, était venue glacer, paralyser l’enthousiasme dont elle est empreinte. En la gardant par devers elle, la jeune femme qui l’avait si résolument inaugurée se ménagea la pleine liberté de ses épanchemens, et tout en caressant