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L'ESPRIT DE DISCIPLINE
EN LITTERATURE

Histoire de la Littérature française, par M. D. Nisard, 3e édition.

Faut-il une doctrine en littérature ? On le croyait autrefois ; beaucoup d’esprits sont aujourd’hui tentés d’en douter. Une doctrine, n’est-ce pas une règle qui s’impose, et par conséquent une convention, une loi arbitraire et variable, œuvre d’école et de cabinet que le génie renverse et déplace continuellement ? Point de loi, point de doctrine, l’instinct est le seul juge ; le sentiment et le goût individuel, les seules autorités ; mon plaisir est la loi suprême.

Sans vouloir discuter cette esthétique très répandue, je me contente de faire observer que même admît-on le principe que je viens de dire, à savoir le principe du plaisir, encore faudrait-il distinguer entre les différens genres de plaisir que les écrits peuvent nous procurer : par exemple entre le plaisir des sens et le plaisir de l’esprit, le plaisir de l’imagination et le plaisir du cœur, le plaisir de quelques-uns et le plaisir de tous, le plaisir des ignorans et des grossiers et le plaisir des esprits éclairés, enfin entre le plaisir d’un jour et le plaisir de plusieurs siècles. Or, pour peu que l’on fasse ce partage entre les plaisirs, on s’aperçoit que, parmi les œuvres de l’esprit, il en est précisément qui plaisent toujours, qui plaisent à tous, ou au moins aux esprits éclairés, capables de les comprendre, qui plaisent à l’esprit et au cœur, et non aux sens : ce sont ces œuvres que l’on nommé belles, et elles le sont plus ou