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davantage. Dans l’embarras où nous sommes pour expliquer nos timides vœux de progrès politiques, nous nous contenterons de dire que l’état de choses actuel ne satisfait point assez la sécurité de l’opinion publique, ne suscite point assez l’essor des forces vives de la nation ; il faudrait enfin, à notre gré, si la France, suivant un de ses plus nobles et plus aimables instincts, veut parler à l’intelligence et à l’imagination des peuples, que l’on rendît le jeu de ses institutions plus actif, plus lumineux et plus attrayant. Prenons-y garde ; nous ne sommes plus sur le continent le seul peuple éclairé et fort ; quelle disgrâce si dans peu d’années il arrivait que l’Allemagne prussienne, non contente d’avoir changé les conditions de l’équilibre, nous laissât en arrière d’elle dans le développement de l’autonomie intérieure et des libertés politiques !

Dans le court intervalle de repos rêveur qui nous est laissé, les dernières agitations qui ont suivi la guerre s’apaisent à peu près partout. Le gouvernement prussien a réussi à faire voter par la chambre des représentans une portion de ce fameux trésor de réserve, au maintien duquel les vieux politiques berlinois tiennent par superstition historique comme à un des instrumens les plus efficaces des agrandissemens de leur pays. Dans ce débat, l’homme d’état éminent qui dirige les finances prussiennes, M. von der Heydt, et M. de Bismark lui-même ont fait entendre des paroles inquiétantes sur l’état de l’Europe. Ils ont parlé de la possibilité prochaine de guerres nouvelles, ils ont dénoncé l’irritation persistante de la cour de Vienne, ils ont indiqué la situation précaire de l’Orient. Il y a là, dit-on, autre chose que des argumens de circonstance. On est étonné que le gouvernement prussien, au milieu de ses triomphes, ne parvienne point à se rassasier complètement. On le représente comme défiant et alarmé. Si ses inquiétudes sont sincères, elles n’en paraîtront pas moins bizarres. La Prusse a sans doute une tâche laborieuse et compliquée à mener à fin pour s’assimiler ses conquêtes et instituer sa confédération du nord, représentée en un parlement émané du suffrage universel ; mais elle n’est en présence d’aucun péril imminent. L’Autriche, même courroucée, ne peut rien contre elle ; quant à la question d’Orient, malgré ses misères, elle n’est vraiment à redouter que lorsqu’il plaît à quelque grande puissance d’aller y chercher le prétexte d’une commotion européenne. Parmi les conducteurs actuels des peuples, nous ne voyons que M. de Bismark qui pût être capable d’aller chercher en Orient le prétexte de quelque vaste combinaison. Heureusement la réorganisation de l’Allemagne lui donne aujourd’hui trop de besogne pour qu’il puisse avoir la velléité de mettre le feu à l’Europe à propos de l’insurrection candiote.

Les discussions financières qui ont si longtemps retardé la conclusion définitive de la paix entre l’Autriche et l’Italie sont maintenant terminées. Les bons offices de la France ont été encore dans cette circonstance utiles à l’Italie. La nation italienne va enfin s’appartenir à elle-même. Une dernière difficulté reste à surmonter, nous voulons parler de l’exécution de