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ESSAIS ET NOTICES.

ŒUVRES COMPLETES de P. Rossi. — Cours de droit constitutionnel professé à la faculté de Paris, recueilli par M. A. Porée, avec une introduction de M. Boncompagni[1].


Les livres ont leur destin comme les hommes, comme toutes les choses de ce monde. Entre le moment où Rossi commençait sa carrière publique à Bologne dans une aventureuse entreprise et le jour où il était appelé à la faculté de droit de Paris pour interpréter les lois constitutionnelles de la France, combien d’événemens s’étaient accomplis ! Quelle philosophie dans le simple rapprochement de ces deux faits ! Entre le jour où il professait le droit constitutionnel en France et le moment où ses œuvres, revues avec soin, recueillies avec une sorte de piété, sont publiées sous les auspices du gouvernement italien, que d’événemens encore ! que de révolutions, que de transformations prodigieuses et imprévues ! La vie de Rossi, dans ses hasards, semble porter le reflet de toutes ces vicissitudes. Il a été tout à la fois Italien et Français. De là le double aspect sous lequel il apparaît. Pour la France, c’est un émigré assez habile et assez heureux pour avoir vaincu la mauvaise fortune et avoir été à la hauteur de toutes les situations, même dans un pays qui n’était pas le sien ; c’est un membre de nos assemblées parlementaires, un professeur de nos écoles, un publiciste, un ambassadeur et toujours un homme d’un esprit rare et supérieur. Pour l’Italie, c’est un patriote qui, à travers tout et dans toutes les fortunes, est resté Italien d’âme et de cœur comme il l’était d’intelligence et de caractère, qui a retrouvé à la fin de sa vie les mêmes sentimens qui enflammaient sa jeunesse. Rossi a été Français par circonstance ; il appartient à l’Italie non-seulement par la naissance, mais par tous les instincts, par sa nature morale, par les idées qui faisaient de lui un émigré dès 1815, aussi bien que par cette mort tragique qu’il recevait comme ministre d’un pape au moment où il essayait de relever le pontificat temporel par le libéralisme.

L’Italie nouvelle a reconnu en lui un de ses plus illustres enfans, et dès qu’elle a été libre, elle lui a rendu spontanément par ses hommages cette naturalisation que sa mort seule eût suffi pour lui assurer. Elle s’est souvenue que ce vieil émigré, devenu le premier ministre du pape après avoir été un instant ambassadeur de France à Rome, avait été autrefois un des premiers à lever, dans une entreprise prématurée et aventureuse, le drapeau de l’unité, aujourd’hui triomphant. Elle a tenu surtout à désavouer avec éclat l’œuvre des sicaires qui le frappaient en 1848 au seuil du parlement romain, et honorer dans cette fière victime dévouée au poignard des

  1. 2 vol. in-8o Guillamnin. — Les Œuvres de Rossi sont publiées sous les auspices du gouvernement italien.