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productif que les deux autres, mais en revanche, comme l’indique son nom, il mûrit en trois mois et laisse le champ libre à une seconde récolte en coton ou en tabac ; — 2° les thao-diên ou ruong thap, rizières exigeant un labourage pour lequel il faut des buffles vigoureux et hauts sur pied, car elles occupent des terrains bas où des animaux trop petits disparaîtraient dans une boue épaisse : elles rendent 60 à 80 pour 1 ; — 3° les song diên ou ruong rach, qui n’exigent aucun labour, mais dont il faut chaque année faucher les herbes avant le repiquage. Ce sont les meilleures terres ; elles rendent 120 pour 1. Nous donnons les chiffres approximatifs les plus probables, sans dissimuler combien ils sont inférieurs à certaines évaluations fort exagérées, au premier rang desquelles il faut citer celles de l’auteur annamite du Gia-dinh-thung-chi, dont nous avons déjà parlé : d’après lui, même les rizières de deuxième classe rendraient 300 pour 1. Heureusement la récente création d’un comité agricole et industriel à Saigon a donné naissance à des travaux intéressans et consciencieux dont une partie a déjà été publiée ; c’est à eux que nous empruntons des renseignemens qui ne sauraient être puisés à meilleure source. Nous y voyons[1] qu’un hectare de rizières de première qualité peut donner jusqu’à 618 francs de revenu brut, et 535 francs de revenu net en défalquant les frais de culture et un impôt foncier de 13 fr. 75 c. Le revenu net d’un hectare de deuxième qualité serait de 397 francs. Ne citons que pour mémoire ces rendemens peut-être exceptionnels, et bornons-nous à tabler sur un revenu net de 200 francs par hectare, chiffre que personne ne contestera dans le pays[2] : il n’en restera pas moins un bénéfice très satisfaisant au cultivateur, qui n’aura guère payé son hectare qu’au prix moyen de 210 francs l’un. On ne saurait trop louer les méthodes en usage chez les Annamites pour l’exploitation de ces rizières. Au dire des gens les plus compétens, c’est une grande et savante culture, où ne sont négligés ni le minutieux aménagement des terrains, ni le soin patient que réclame la construction méthodique des talus et des chaussées. Ce qui a manqué jusqu’ici, c’est un système d’irrigations qui combatte l’influence des sécheresses parfois trop prolongées de la mousson de nord-est, et qui permette de produire deux récoltes par an au lieu d’une. Ce résultat n’a rien d’hypothétique, puisqu’on l’obtient depuis longtemps dans les îles du Cambodge, grâce à la couche d’eau limoneuse qui les recouvre périodiquement aux marées de syzygie ; ajoutons qu’il

  1. Bulletin du Comité agricole et industriel de la Cochinchine, n° 1. — Rapport de M. Turc sur le huyen de Kien-hung.
  2. C’est à peu près le rendement des rizières lombardes, où les frais de culture sont d’environ 200 francs, et où le produit brut est de 40 hectolitres de paddy, ou riz non décortiqué, à 10 francs l’un.