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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/965

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l’union des peuples du continent. Dès l’année suivante, les péripéties de la guerre avec l’Espagne cimentaient une plus intime union, à la fois offensive et défensive. Quatre des principaux états de l’Amérique du Sud, le Chili, la Bolivie, le Pérou, l’Equateur, réalisaient enfin ce que les congrès avaient jadis vainement discuté.


II

Désormais, on peut le dire sans témérité, les républiques de l’Amérique du Sud peuvent être considérées comme à l’abri de toute attaque sérieuse d’une puissance européenne. Non-seulement les États-Unis, sortis de la guerre plus redoutables qu’autrefois, se croiraient peut-être tenus d’intervenir par leur diplomatie ou par leurs armes, si quelque atteinte trop grave était portée à l’autonomie des populations hispano-américaines, mais encore celles-ci ont déjà prouvé qu’elles sont capables de se défendre elles-mêmes. La petite république dominicaine, qui compte à peine 200,000 habitans de race mêlée et ne saurait par conséquent mettre sur pied qu’une armée numériquement très faible, a forcé la fière Espagne, après vingt mois de lutte, à la dégager du serment de loyauté qu’elle était censée, suivant les rapports officiels, avoir prêté avec tant d’enthousiasme. Le Chili, grâce à son éloignement des possessions espagnoles, grâce surtout au patriotisme et à l’intelligence de ses habitans, est sorti presque sans dommage de la guerre que lui avait déclarée son ancienne métropole ; avec ses petits vaisseaux portant quelques centaines de matelots, il a vaillamment bravé la puissante flotte de son adversaire, et n’a laissé d’autre ressource à l’amiral Nuñez que de bombarder la ville sans défense de Valparaiso. Bientôt après les Péruviens, comprenant, par l’exemple de ce qui venait de se passer à Valparaiso, qu’il vaut mieux compter sur son propre courage que sur la générosité de l’ennemi, repoussaient la force par la force, et les canons de Callao vengeaient la barbarie inutile commise précédemment par les ordres du ministère espagnol. La flotte avariée de l’amiral Nuñez dut battre en retraite vers les Philippines et Rio de Janeiro, et donner ainsi aux républiques alliées un répit qu’elles mettront certainement à profit. Si la guerre a pris temporairement un caractère platonique par suite de la retraite des vaisseaux espagnols, le Chili, le Pérou, la Bolivie et l’Equateur n’en continuent pas moins d’armer leurs côtes, d’agrandir leur flotte, devenue déjà fort respectable, et de faire appel contre l’ennemi commun à l’aide des autres nations américaines. Leur puissance s’accroît incessamment pour l’offensive, et les bruits souvent répétés de soulèvemens ou d’invasions à Cuba et à Porto-Rico sont un signe avant-coureur de ce