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dans le territoire du Nouveau-Mexique, obtenu par conquête en 1847. Parmi les pays annexés, ce territoire était le seul dont la population mexicaine fût relativement considérable. Environ 70,000 habitans, cultivateurs pour la plupart, habitaient les rives du Rio-Bravo et du Rio-Pecos. Grâce à la tranquillité dont il a joui depuis dix-huit années, ce petit groupe de population s’est accru, et compte maintenant plus de 100,000 âmes ; mais, en dépit des institutions américaines qu’il a reçues, il n’a changé que bien peu de chose à ses mœurs d’autrefois. Assez nombreux pour se donner une constitution d’état comme le Colorado, le Kansas et les autres territoires voisins, ces hommes d’origine espagnole restent sans trop se plaindre dans une position politique subordonnée. De leur côté, les Américains du nord, qui se portent en foule vers la Californie, le Colorado, le Texas, se dirigent rarement vers le Nouveau-Mexique, qui possède cependant d’immenses richesses minières et de belles vallées irrigables. On dirait qu’il existe une sorte de répulsion entre les deux peuples. La même opposition se retrouve d’ailleurs en Louisiane entre les Anglo-Saxons et les créoles français. En dépit de l’immense mouvement des affaires qui affluent de toutes parts à la Nouvelle-Orléans, cette porte méridionale de la république, et qui a pour conséquence de mélanger incessamment les relations, les intérêts et les familles, les Américains n’ont pu, en l’espace de soixante années, assimiler complètement à leur race les 60,000 créoles blancs de cette ancienne colonie française.

Combien plus grandes seraient les difficultés d’une fusion entre les diverses populations de la république, si les États-Unis devaient un jour s’annexer le Mexique ou toute autre contrée hispano-américaine ! Il est possible que par suite d’une très forte émigration de mineurs californiens dans les états si riches en veines métalliques de la Sonora, du Chihuahua, du Sinaloa, la majorité des habitans devienne anglo-saxonne, et que ces contrées, aujourd’hui presque désertes, aient alors un intérêt direct à se rattacher à la république voisine ; mais il en sera toujours autrement dans les contrées centrales du Mexique, où de 6 à 7 millions d’hommes, d’origine indienne ou espagnole, forment un ensemble compacte. Quelque nombreux que soient les colons, ils ne pourront jamais, dans l’état d’infériorité où les mettront l’ignorance de la langue, les préjugés nationaux et les difficultés de l’acclimatation, exercer une influence prépondérante sur la nation qui les accueille. Au contraire ce sont eux qui, devenus citoyens du pays, finiront par se plier à leur nouvelle position pour se faire Mexicains. Dans toutes les républiques du sud, les seuls étrangers qui s’empressent de se faire naturaliser sont les Américains du nord. Pleins de bon sens pratique, ils prennent immédiatement les intérêts de leur nouvelle