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dans le palmier, dans les arceaux formés par les branches des arbres, dans une corbeille placée sur la tête d’une jeune fille, les modèles qui donnèrent naissance aux chapiteaux corinthiens, aux voûtes et aux arcades. Ce sont là des suppositions très plausibles, mais moins palpables que les formes essentiellement architecturales des cristaux et des stalactites.

Visitez la grotte d’Adelsberg ou celle de Guzeldjeh-Seraï, et comparez ces salles d’albâtre, jaspées d’orange et de blanc, aux salles des Deux-Sœurs à Grenade, ou de l’Emaret-Esheref à Ispahan, et vous retrouverez dans les unes et dans les autres le même aspect, la même idée, soumise seulement dans l’œuvre des architectes au goût plus étroit, plus symétrique de l’homme. Dans ces salles connues sous le nom de kiosques des miroirs à Bagdad et à Ispahan, où les coupoles, les frises, les colonnes et les chapiteaux sont formés de petits prismes de glace, ne voyez-vous pas l’imitation des facettes de cristal qui garnissent les parois des palais souterrains que nous venons de citer, et qui produisent, lorsque la lumière les frappe, un effet réellement magique ? Dans cette architecture minérale, les Persans ont su trouver une décoration entièrement nouvelle. Ces amoureux de la nature l’observent constamment, par instinct. Dans ce grand livre, qu’ils lisent couramment, tout leur sert de point de comparaison. Les rayures ou les jaspures d’une tulipe, les nuances et les tons des fleurs, des coquilles, des insectes, la division des espaces dans les raies, les semis, les méandres, soit des plantes, soit des animaux, sont toujours par eux merveilleusement interprétés. Dans ces contrées lumineuses, les habitans n’ont jamais perdu le sens de la nature, comme nous qui vivons au milieu d’une civilisation factice, déshabituée du vrai. Pour ramener l’architecture dans sa voie naturelle, nous avons donc la conviction profonde qu’il faut étudier assidûment les œuvres de Dieu bien plus que ces lois du module autour desquelles tournent nos architectes depuis trois cents ans, sans en pouvoir sortir. La nature est une mine inépuisable pour les explorateurs intelligens, et, comme l’a dit Gall, l’observateur par excellence, « quand on prend cette voie, on ne sait jamais où l’on s’arrêtera. »

Parmi les élémens les plus caractéristiques de l’art persan, figurent encore ces broderies décoratives qui sont comme le vêtement, la toilette de l’architecture orientale, où elles jouent un rôle d’une importance extrême. Nous voulons parler des arabesques. Elles se divisent en deux genres bien distincts et faciles à reconnaître. Les arabesques proprement dites empruntent aux plantes grimpantes à feuilles et à fleurs régulières et symétriques les enroulemens, les rinceaux, entremêlés quelquefois d’animaux aux formes bizarres,