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Un avantage pratique que nous eussions trouvé dans l’abolition de l’exonération, c’est le contact que la portion de la jeunesse cultivée par l’éducation littéraire et scientifique eût été obligée d’avoir avec la profession des armes et l’esprit militaire. On eût pu concilier ici, par une exception semblable à celle qui est consacrée en Prusse, les intérêts des professions libérales avec le devoir patriotique en réduisant au strict nécessaire la durée du service pour les jeunes gens qui eussent prouvé leur instruction par des examens. On eût pu trouver aussi, comme en Prusse, dans cette classe des jeunes gens instruits les élémens d’une catégorie d’utiles officiers qui auraient rempli gratuitement une portion des cadres. On eût marché ainsi dans cette voie qui sera celle des peuples modernes où l’esprit civil et l’esprit militaire doivent se rapprocher sans cesse l’un de l’autre jusqu’à ce qu’ils se pénètrent et finissent par se confondre entièrement. Dans les armées vraiment nationales, dans les armées des peuples modernes, il faut qu’une sorte d’élan volontaire se joigne à l’obligation et à la discipline du service, que le citoyen vive de plus en plus dans le soldat, que l’homme se déploie dans tous les champs d’activité où ses facultés peuvent s’étendre en devenant plus mâles. La réorganisation de l’armée en France sera une occasion décisive de régénération et d’accroissement de force morale et politique pour notre nation; nous faisons des vœux pour que, nous inspirant de nos traditions vaillantes, nous ne demeurions point inférieurs à la grandeur des circonstances.

La session du congrès américain est ouverte, et la lutte du président Johnson et du parti radical va sans doute se continuer dans de nouveaux conflits. Ce n’est que dans les premiers jours du mois de mars prochain que les sénateurs et les députés ajoutés par les dernières élections à la majorité radicale prendront place dans le congrès. Jusque-là, les radicaux ne pourront point employer contre le président toute la force que les élections leur ont donnée. On avait annoncé que les résultats de la dernière campagne électorale avaient éclairé M. Johnson et lui avaient inspiré des pensées de transaction. La rédaction du message n’a point confirmé ces prévisions. M. Johnson y maintient sa vieille politique favorable à la rentrée des états du sud dans l’Union sans les soumettre aux conditions réclamées par les radicaux pour assurer des droits civils et politiques aux nègres, et pour mettre la dette fédérale à l’abri de toute répudiation. Des dispositions plus conciliantes envers les états du sud semblaient récemment se produire parmi les radicaux, ce qui n’a point empêché un des membres les plus militans de ce parti, le général Butler, de présenter devant un meeting de New-York, dans un discours immense et souvent éloquent ou spirituel, le plan d’un acte d’accusation contre le président Johnson. On verra le mois de mars prochain si le général Butler, l’un des nouveaux élus, sera de force à recommencer cette prouesse devant le congrès. Il ne faut point d’ailleurs se méprendre aux exubérances de la vie politique