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les plus familiers. Si simple que nous paraisse cette notion, maintenant qu’elle nous est acquise et qu’elle est entrée dans nos idées courantes, elle est, sans contredit, la principale conquête de la physique moderne.

Les travaux de M. Joule, le physicien de Manchester, ceux de M. Jules-Robert Mayer, le médecin d’Heilbronn, ceux de M. Hirn, l’ingénieur de Colmar, après avoir fixé les termes de l’équivalence qui existe entre la chaleur et le travail mécanique, ont mis en pleine lumière le principe même et la raison de cette équivalence. On entend par travail le déplacement d’une masse : or la chaleur, on n’en doute plus maintenant, est un mouvement moléculaire, un déplacement de molécules ; n’est-il pas naturel dès lors que ces deux phénomènes se substituent l’un à l’autre suivant un rapport fixe, qu’entre ces deux espèces de mouvement il y ait une transformation facile, régie par les lois ordinaires de la mécanique ?

Du jour où cette notion nette, précise, a été introduite dans la science, toutes les parties de la physique se sont trouvées en quelque sorte renouvelées. Beaucoup de questions ont été directement éclairées par la théorie nouvelle ; sur beaucoup d’autres, elle a fourni des aperçus lumineux, suscité des recherches utiles. Autour des faits incontestables que l’étude de la chaleur venait de révéler, sont venus se grouper d’autres faits moins certains, puis des conjectures ingénieuses, et de ce mouvement d’idées est sortie une conception nouvelle de la nature qui s’impose maintenant à beaucoup d’esprits. C’est de cette nouvelle manière d’envisager les phénomènes naturels que nous voudrions nous occuper aujourd’hui, non sans éprouver d’abord quelque embarras à la définir. L’unité des forces physiques, telle est la formule générale sous laquelle on a coutume d’embrasser l’ensemble des considérations dont nous essaierons de donner un rapide aperçu. Dans l’ordre d’idées où nous entrons, toutes les forces de la nature se ramènent au même principe et se transforment l’une dans l’autre suivant des règles fixes, qui ne sont autres que les lois mêmes de la mécanique. Voilà, sous une forme grossière, l’énoncé général de la théorie nouvelle ; mais cet énoncé n’est accepté par les divers physiciens qu’avec des restrictions diverses ; ceux même qui sont à peu près d’accord sur le principe se divisent dès qu’il faut en tirer des conséquences au sujet de l’état de la matière et de la constitution du monde. C’est là un premier embarras que nous rencontrons. Nous n’avons pas la prétention d’exposer, sur des sujets si graves, un ensemble de vues qui nous soient personnelles, et d’autre part nous ne saurions dire qu’il y ait entre les partisans de la théorie nouvelle un accord assez complet pour qu’un véritable corps de doctrines ait été constitué. Quand